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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/234

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



29 avril.


La grève de Limoges a duré vingt-quatre jours, et n’a pris fin qu’après une échauffourée où, par malheur, le sang a coulé : un ouvrier a été tué d’un coup de feu. Le sang-froid de nos officiers ; la patience de nos soldats ont empêché l’accident de prendre des proportions plus considérables. La cause véritable de l’agitation est assez difficile à déterminer ; il semble bien que celle qu’on donne ne soit qu’un prétexte. Les ouvriers d’une usine se plaignaient, à tort ou à raison, d’un contre-maître dont ils exigeaient le renvoi. Le patron, M. Théodore Haviland, ne jugeait pas cette mesure justifiée et refusait de s’y prêter. Les autres patrons ont fait cause commune avec lui : il s’agissait, à leurs yeux, d’une atteinte portée à leur autorité et à leur liberté communes. En conséquence, à la grève des ouvriers a répondu une grève des patrons, ce qu’on appelle un lock-out : — singulière manie, soit dit entre parenthèses, d’introduire dans notre langue des mots anglais pour désigner des choses qui sont de tous les pays. — Le travail a donc été interrompu partout, et il en est résulté, au bout de quelques jours, des souffrances qui ont été sensibles dans le monde du capital, mais qui l’ont été encore davantage dans celui du travail.

Il est à croire que rien de tout cela ne serait arrivé, si la ville de Limoges n’était pas entretenue depuis longtemps dans le plus déplorable état d’esprit. La municipalité y est socialiste, et les expériences de municipalités socialistes réussissent généralement assez mal, comme on a déjà pu le voir à Roubaix. À Limoges, le désordre matériel et moral a pris rapidement des proportions inquiétantes. Les imaginations ont été vivement surexcitées ; les ouvriers se sont crus à la