Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à leur fantaisie. Catilina parti, le premier rang, parmi les conjurés, appartenait sans conteste à P. Cornélius Lentulus Sura, d’une des premières familles de Rome, dont la vie politique avait été assez accidentée. Son nom, et sans doute aussi la faveur de Sylla, l’avaient amené très vite au consulat. Mais il s’était montré, dans ses magistratures, si effronté voleur, qu’il finit par indisposer contre lui son protecteur lui-même, quoique fort indulgent pour ces sortes de méfaits. À tous les reproches qu’on lui faisait, il répondait par des bons mois. Accusé de malversation manifeste, il acheta ses juges, et, comme il fut absous à deux voix de majorité : « J’en ai payé un de trop, » dit-il. Il en fit tant que les censeurs, en 685, l’exclurent du Sénat. Il y rentra seulement l’année du consulat de Cicéron, en se faisant renommer préteur. C’était un beau parleur, qui plaisait à la foule par sa belle mine et sa voix puissante, mais un esprit médiocre, qui croyait aux devins, un homme irrésolu, qui ne savait pas prendre une décision ; Cicéron l’appelait un endormi. Ses lenteurs contrastaient avec les témérités folles de Cethegus, qui, après Lentulus, occupait dans la conspiration la seconde place. Celui-là était un de ces conspirateurs d’habitude et de tempérament, comme nous en avons connu plusieurs de notre temps, toujours prêts à se jeter dans quelque aventure. Quand il était décidé à tenter un coup de main, il ne souffrait pas qu’on y mît aucun retard, et traitait de lâches tous ceux qui se permettaient de présenter quelque observation. La conjuration était donc ballottée entre ces deux extrêmes d’audace et de timidité, et il était naturel qu’on ne s’y entendit guère. On finit pourtant par se mettre d’accord sur le moment où le coup se ferait. Ce devait être vers les derniers jours du mois de décembre, pendant les saturnales, qui étaient une sorte de carnaval pour les Romains. Cethegus ne manquait pas de trouver, selon son habitude, qu’on attendait trop longtemps, mais on lui répondit que le massacre serait plus facile au milieu du tumulte d’une fête ; que les tribuns entraient en charge le 10 décembre, et que l’un d’eux, Calpurnius Bestia, avait promis d’exciter les passions populaires contre Cicéron en l’attaquant à la tribune. Lu véritable raison était sans doute que Catilina devait intervenir dans la lutte et qu’il fallait lui laisser le temps de se préparer.

En attendant le jour fixé, les conjurés cherchaient à faire des recrues. On les prenait un peu partout, et sans beaucoup de