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cornes des anciens Egyptiens sont tout simplement ceux qui habitent par millions depuis Khartoum jusque dans la région des grands lacs et peut-être plus loin encore dans l’Afrique centrale. C’est certainement la race qui est très bien représentée par Schweinfurth dans son célèbre ouvrage sur l’Afrique du centre, de grands bœufs, hauts sur jambes, portant une bosse plus ou moins prononcée, à cornes longues disposées en lyre ou en croissant.

Originaire des régions centrales de l’Afrique, ce bœuf à longues cornes a dû descendre la vallée du Nil, absolument comme le crocodile, l’hippopotame, certains poissons, — ou encore comme les papyrus qui se trouvent dans le bassin du Jourdain, à Tibériade, — quoique ces animaux et ces plantes ne fassent point partie de la faune ou de la flore asiatique. Ils ont dû émigrer dans la région du Nord en suivant tout simplement la vallée du grand fleuve. El nous savons bien qu’un certain nombre d’égyptologues ne croient pas que les Egyptiens ainsi que leurs bœufs eussent le droit de se considérer comme des autochtones de la vallée du Nil, engendrés les uns les autres par le puissant dieu Râ sur le sol même qu’ils habitaient. Mais nous pensons au contraire que les anciens Egyptiens avaient raison de croire qu’ils s’étaient formés par voie d’évolution naturelle, dans cette étroite vallée du Nil, toujours et partout si semblable à elle-même, de même que leurs bœufs, leurs ânes, et toute la faune qui les entourait dans cette partie privilégiée du continent.

Il est à remarquer que les ânes, si nombreux dans la contrée, figurés partout en longues théories, n’ont jamais été momifiés. Leurs ossemens mêmes, contrairement à ce qui se faisait pour toutes les autres espèces, n’ont pas été recueillis pour recevoir quelque part une sépulture honorable. On n’en a jamais retrouvé aucune trace, et parmi les milliers d’ossemens de mammifères qui nous ont passé sous les yeux, aucun ne pouvait se rapporter à l’âne, ou même au cheval, arrivé bien plus tard en Égypte. On ne peut comprendre la raison de cet ostracisme contre un serviteur si dévoué et si utile. Les ânes étaient-ils trop méprisés pour être momifiés ou même ensevelis ? Etaient-ils considérés comme vils ou impurs ? Leurs cadavres, comme ceux des vaches, étaient-ils tout simplement jetés dans le grand fleuve, ou bien trouverons-nous peut-être, un jour, quelque vaste nécropole ayant servi à ensevelir les restes de ces animaux ?

La gazelle, le bubale, le mouflon à manchettes, les chèvres