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certainement, en Égypte, pendant des siècles, dans un état de demi-domestication. Chez cet oiseau pourvu d’une nourriture abondante, marchant plus qu’il ne volait, il semble naturel de trouver les membres postérieurs plus développés que chez les ibis actuels, traqués par les chasseurs, obligés de se déplacer constamment à la recherche de la nourriture.

Les anciens Egyptiens semblent avoir eu la plus grande vénération pour un superbe poisson de la famille des Percoïdes, le Laies Niloticus, qui habite encore en quantités prodigieuses les eaux du grand fleuve dans la Haute-Égypte. Certaines villes, entre autres Esnèh, vouaient un culte spécial à cette espèce. Non seulement les habitans honoraient le poisson vivant, mais encore, par d’ingénieux procédés de momification, ils s’efforçaient de le préserver de toute destruction lorsqu’il était capturé. Et cependant, par une contradiction singulière, cet animal passait dans certaines localités pour un aliment impur, dont l’usage était interdit aux prêtres, probablement parce que ces animaux étaient accusés d’avoir dévoré certaines parties du corps d’Osiris. Ainsi réduits à l’état de momies, entourés soigneusement de bandelettes de lin trempées dans du natron antiseptique, ils présentent toutes les tailles, depuis quelques centimètres jusqu’à deux mètres de longueur. On trouve aussi, enterrées dans le sable, à côté des poissons adultes, des sphères de la grosseur des deux poings, formées de tiges de papyrus entrelacées avec des bandelettes ; ces boules sont creuses et renferment plusieurs centaines et quelquefois plusieurs milliers d’alevins de laies dont beaucoup, longs de quelques millimètres seulement, viennent à peine de sortir de l’œuf. Ces poissons, qui sont admirablement conservés et dont la chair renferme encore beaucoup de substances nutritives, ne présentent aucune différence avec les lates actuellement pêches dans le Nil, surtout au milieu des rochers de la seconde cataracte, où leur taille devient énorme et où ils servent à l’alimentation des crocodiles encore nombreux dans cette localité.

Le crocodile était consacré au dieu Sebek. Les anciens Egyptiens, quand bien même ils en nourrissaient un très grand nombre dans les lacs sacrés situés près des sanctuaires, paraissent l’avoir beaucoup redouté et le conjuraient à l’aide de formules magiques. Ce saurien, toujours affamé, devait dévorer beaucoup de femmes et d’enfans. Il pullulait dans les eaux du Nil ou dans les canaux jusqu’à l’extrémité nord du Delta où il se