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Il a été facile de séparer la résine mêlée au natron. En tenant compte des modifications que le milieu et le temps ont dû apporter à son odeur, on peut cependant affirmer que cette substance n’est pas de la résine de cèdre, qui du reste n’a jamais vécu en Égypte. Elle paraît plutôt être un extrait de diverses substances aromatiques. La myrrhe devait dominer dans ce mélange, mais accompagnée d’oliban et de bdellium. Les Balsamodendron et Roswellia, arbres producteurs de ces gommes-résines, vivent en Nubie, Abyssinie et Arabie Heureuse. Ils fournissent cette myrrhe si recherchée, dès la plus haute antiquité, par les populations de l’Orient. La poudre antiseptique en question renferme des débris de tissus parenchymateux ; ces tissus contiennent de nombreux grains d’amidon, appartenant certainement à des rhizomes odorans du cyperus rond qui se rencontre encore aujourd’hui en très grande quantité en Égypte et en Libye. La poudre odorante renfermée dans les amphores de Maher-Pra, lorsqu’on la dissout dans l’eau, colore en brun les morceaux de toile qu’on y plonge. Ces tissus présentent alors la même coloration que les bandelettes des momies, coloration et odeur dues au savon alcalin produit par la résine mélangée au natron.


D’après tout ce qu’il nous a été possible de constater, les Egyptiens momifiaient non seulement certaines espèces animales directement consacrées aux divinités, mais presque tous les animaux qui vivaient autour d’eux. Ce qu’il a été dépensé de toile de lin pour entourer les momies humaines ainsi que celles des animaux, qui pendant tant de milliers d’années ont été cachées dans les sables des déserts ou dans les galeries des nécropoles, est quelque chose de vraiment prodigieux. Pour habiller une seule momie humaine, il faut au moins, d’après mes mesures, 70 mètres d’une toile large de 30 centimètres. Pour les momies des bœufs, on employait près de 200 mètres d’une toile de même largeur. Les tisserands devaient donc être très nombreux dans l’ancienne Égypte, et leurs métiers si simples et si ingénieux ne devaient point chômer souvent.

On doit se demander à quelle fin ce peuple si intelligent s’est livré, seul au monde, à une pratique aussi extraordinaire ; quelles sont les idées philosophiques ou religieuses qui lui ont fait trouver les moyens les plus pratiques, les plus scientifiques pour empêcher la disparition des cadavres des hommes et des