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avec une cordialité respectueuse étaient de sûrs garans que le bon accord des deux pays n’était pas à la merci d’un incident plus ou moins mal interprété. Au reste, tout en reconnaissant l’attitude amicale du gouvernement anglais envers nous et en l’opposant au ton un peu trop pressant que la presse a eu pendant quelque quarante-huit heures, nous sommes très loin de croire que la mauvaise humeur des journaux ait été de leur part l’indice de mauvaises dispositions. Il est probable que c’est justement le contraire qui est vrai. L’Angleterre est l’alliée du Japon, et, si certaines hypothèses venaient à se réaliser, le casus fœderis se trouverait posé : en d’autres termes, l’Angleterre se verrait obligée de prendre fait et cause pour son alliée contre son nouvel ennemi. Tel est l’engagement ; qu’elle a contracté ; elle y serait certainement fidèle ; mais, certainement aussi, rien ne lui serait plus pénible que d’avoir à le faire, et contre qui ? contre nous, c’est-à-dire contre une puissance avec laquelle, par tous ses organes officiels et officieux, elle a manifesté depuis quelques mois une si vive satisfaction d’avoir noué des rapports plus intimes et plus confians. Cette politique de l’Angleterre à notre égard n’est pas, dans sa pensée, accidentelle et provisoire ; elle désire la maintenir et la voir se développer comme nous le désirons de notre côté. Ne serait-il pas déplorable de la voir butter en quelque sorte dès le premier pas contre un caillou japonais ? Une pareille perspective ne serait pas moins désagréable aux Anglais qu’à nous-mêmes : on comprend qu’ils ne l’aient pas envisagée sans une impatience que leur tort a été de tourner un moment contre nous. Ils ont cru sans doute devoir nous parler fort pour nous montrer un danger que nous apercevions aussi bien qu’eux, et quand les Anglais parlent fort, ils dépassent quelquefois la mesure. Mais leur gouvernement a remis les choses au point. Aussitôt après avoir entendu les déclarations de M. Balfour et de lord Lansdowne, la presse a bien voulu reconnaître que nous n’étions pas aussi coupables qu’elle l’avait cru d’abord. En tout cas, elle nous a trouvé des circonstances atténuantes : elle s’est aperçue que notre situation pouvait être difficile entre les Russes et les Japonais. Elle nous a tenu compte de nos efforts pour traverser la crise actuelle sans rien compromettre. Enfin, elle nous a jugés un peu plus équitablement, et, comme il n’y a que le premier pas qui coûte, nous espérons bien qu’elle ira encore plus loin dans cette voie.

Nous éprouvons, d’ailleurs, le même sentiment que la presse anglaise à la pensée que la moindre imprudence en Extrême-Orient pourrait avoir un contre-coup immédiat sur la paix du monde. Il