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anglo-français du 8 avril 1904 lui a été connu et qu’elle en a publiquement parlé, sans se préoccuper de savoir s’il lui avait été notifié, le chancelier de l’Empire n’a pas hésité à dire que les intérêts allemands n’étaient en rien lésés, ce qui signifiait sans nul doute qu’il n’avait aucune objection à présenter ; et nous avons pu croire à ce moment que l’adhésion de l’Allemagne, pour n’être pas directe comme l’avaient été celles de certaines autres puissances, n’en était pas moins valable. Il n’y avait encore, alors, rien de changé à la politique du gouvernement de Berlin. Le discours de M. de Bülow au Reichstag s’adressait tout aussi bien à nous qu’au parlement impérial, et il nous disait : Faites ce que vous voudrez au Maroc ; pourvu que vous respectiez nos intérêts commerciaux, comme vous le ferez certainement, vous n’avez rien à craindre de nous. — Les choses ont continué ainsi pendant toute une année. Si l’orage grossissait sur nos têtes, aucun signe précurseur ne l’avait révélé : le ciel était calme en apparence, les vents étaient en repos. Tout d’un coup, l’Empereur est parti pour Tanger, et les journaux allemands ont entrepris contre nous une campagne de récriminations acerbes. Les faits sont d’hier ; à peine avons-nous besoin de les rappeler. Incontestablement, il y a eu alors quelque chose de changé. Est-ce dans l’intérêt que le Maroc présentait pour l’Allemagne ? Cet intérêt, dont le gouvernement impérial ne s’était pas encore rendu compte, aurait-il subitement apparu à ses yeux dessillés ? Comment le croire de la part d’un gouvernement aussi sérieux, appliqué, réfléchi, qui ne néglige rien de ce qui peut, à travers le monde, le servir ou lui nuire, et qui connaissait de très longue date tous les élémens du problème marocain ? A coup sûr il y a eu autre chose qu’une illumination soudaine, imprévue, miraculeuse, qui, à travers un voile brusquement déchiré, aurait montré au gouvernement allemand des dessous que, jusqu’alors, il n’avait pas soupçonnés. Plus on y songe et plus on est amené à croire que le Maroc, aujourd’hui comme hier, est pour l’Allemagne une question secondaire et que l’importance qui lui a été donnée subitement est en grande partie artificielle. Il ne faudrait pas nous presser beaucoup pour que nous disions que, dans toute cette affaire, le Maroc n’est qu’un prétexte.

Mais alors, quel est le fond des choses ? Ici, nous ne pouvons faire que des hypothèses. Autant nous sommes convaincus que le Maroc n’explique pas à lui tout seul la nouvelle orientation de l’Allemagne, autant nous sommes peu fixés sur cette orientation elle-même. A travers le vraisemblable, nous ne sommes nullement assurés d’atteindre le vrai. On a dit que l’Allemagne avait peut-être voulu profiter des