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Vendôme avait été chassé de Marly. Il n’en était rien, et il y reparut même encore une fois pour sauver les apparences, mais ce fut la dernière.

Banni de Marly, Meudon lui restait. Là, il se trouvait sur son terrain. La cabale de Monseigneur lui avait toujours été ouvertement favorable. Monseigneur lui-même avait reçu assez froidement le Duc de Bourgogne au retour de la campagne de Flandre. Du père au fils, il y avait peu de tendresse, l’attitude du fils semblant une perpétuelle censure de la conduite du père. La duchesse de Bourbon, qui partageait avec Mlle Choin le petit royaume de Meudon, s’était déclarée parmi les adversaires les plus acharnés du Duc de Bourgogne, qu’elle poursuivait de ses railleries et de ses malicieux couplets. Ainsi soutenu, Vendôme pouvait se croire inexpugnable, comme dans une place forte. Mais il commit l’imprudence d’abuser de ses avantages. Il se mit à fréquenter Meudon avec affectation, ne manquant pas de s’y présenter à tous les voyages que faisait Monseigneur, arrivant la veille, et y passant tout le temps du séjour. La Duchesse de Bourgogne ne venait à Meudon qu’en visite, sa situation y étant assez délicate ; Vendôme au contraire y séjournait, et, à chaque fois, se présentait devant elle comme pour lui faire sentir que, là du moins, il était le plus fort. Tant d’insolence ne devait pas lui profiter. La Duchesse de Bourgogne le guettait et ne manqua pas l’occasion. A l’une des visites qu’elle fit à Meudon, il eut la hardiesse de s’avancer un des premiers à l’arrivée du carrosse pour la contraindre à le saluer. Blessée, la Duchesse de Bourgogne détourna la tête avec affectation, après une apparence de révérence. Au lieu de battre en retraite, Vendôme fit la folie de la poursuivre encore l’après-dînée, à son jeu, comme pour s’imposer à elle. Même attitude de la part de la Duchesse de Bourgogne, au point que Vendôme, décontenancé, finit par se retirer dans sa chambre ; mais il devait payer cher cette incartade. La Duchesse de Bourgogne eut recours au même procédé qu’à Marly. Elle se plaignit d’abord à Monseigneur, puis à Mme de Maintenon, puis au Roi lui-même, et ses plaintes ne furent pas vaines. Le lendemain, Vendôme jouait dans un cabinet particulier lorsque d’Antin, arrivant de Versailles, l’aborda et lui dit qu’il avait à lui rendre compte de ce dont il l’avait chargé : « Moi, dit Vendôme avec surprise, je ne vous ai prié de rien. — Pardonnez-moi, lui répliqua d’Antin. Vous ne vous souvenez donc