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tristesse inquiète, qui se trahissait dans son journal intime[1]. Au lieu de se borner, comme naguère, à renvoyer sèchement les mécontens aux décisions des cours de justice, il essayait de démarches apaisantes. Au Church Congress, tenu à Croydon, en octobre 1877, il prêchait la tolérance et le mutuel support. À deux reprises, en août et décembre de cette même année, il réunissait, dans son palais, une centaine de clergymen de marque, choisis à dessein dans les opinions les plus diverses : devotional meeting, comme il le qualifiait lui-même, en vue non de débattre et de trancher les points controversés, mais de s’unir dans une pensée commune de prière et de charité. Il s’était, un moment, flatté d’avoir ainsi jeté des germes de pacification. « On y a parlé très franchement, écrivait-il sur son Journal, mais l’esprit a été admirable, et, avec la bénédiction de Dieu, j’en attends de vraiment bons résultats. » Avait-il pu conserver longtemps cette espérance, quand il avait vu de quel ton les journaux ardens de chaque parti critiquaient la réunion ? Les feuilles anti-ritualistes n’étaient pas les moins âpres. L’une d’elles dénonçait l’invitation de l’archevêque comme un piège tendu à la candeur des evangelicals et il rappelait l’histoire de ce roi anglo-saxon qui avait permis d’établir, dans la même église, un autel au Christ et un autre aux idoles païennes. « C’était un exemple d’unité, disait-elle, mais ce n’était pas l’unité d’une seule foi et d’un seul esprit. » Un autre journal de même couleur ne comprenait pas qu’on eût pu inviter ses amis à « se rencontrer avec des violateurs de la loi, des traîtres, des blasphémateurs, des idolâtres, » et il se demandait comment « l’assistance à la sainte communion, dans un aussi étrange compagnonnage, pouvait être un acte agréable à Dieu[2]. » Les incidens des années suivantes n’avaient pu que faire sentir davantage à Tait son impuissance à calmer la tempête qu’il avait déchaînée. Entre les persécutés qu’il ne parvenait pas à réduire et les persécuteurs qu’il essayait tardivement et vainement de contenir, il ne savait que faire. Il aurait désiré empêcher certaines poursuites qu’il jugeait

  1. Témoin les exclamations de ce genre qu’on trouve dans ce Journal : « Que Dieu nous accorde que tous ces sujets de querelle disparaissent ! Puisse-t-il nous donner un esprit sain ! » (5 novembre 1876.) — « Prions Dieu que ces luttes cessent et que les hommes en viennent à un état d’esprit plus calme. » (28 janvier 1877.) — « Prions Dieu qu’il fasse sortir l’Église de ces troubles et lui apporte paix et prospérité. » (4 février.) (Life of Tait, t. II, p. 296 à 300 et 320.)
  2. Life of Tait, t. II, p. 292 à 294.