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que lui causaient surtout les nouveautés introduites dans le service eucharistique, il était prêt à mettre de côté ces préférences, « par souci de la paix de l’Église et pour prévenir les maux qu’il redoutait du désétablissement[1]. Il ajoutait, en avril 1889, précisément à propos du Lincoln’s case :


Je pense que, dans les circonstances présentes, il vaut mieux se soumettre et acquiescer à des déviations (même si elles semblent déraisonnables) de l’Acte d’Uniformité, tel qu’il a été interprété par les cours compétentes, en matière de costumes, de posture, de formes de rituel, que de briser l’Église ou d’éloigner d’elle des évêques, des clergymen ou des laïques qui sont d’ailleurs des hommes de bien, de bons chrétiens et qui font de bonne besogne. Je pense qu’ils ont une part trop forte de l’opinion de leur côté, pour qu’il soit possible, en admettant que ce fût expédient, de leur imposer de force la stricte exécution de la loi à laquelle ils refusent d’obéir[2].


Le Conseil privé siégea, en juin et juillet 1891, pour entendre les avocats des deux parties. Le jugement ne fut rendu qu’un an après, le 2 août 1892. Ce délai est-il l’indice que les juges ne se résignèrent qu’avec peine à désavouer leurs décisions précédentes ? En tous cas, leur capitulation fut complète. A l’unanimité, ils confirmèrent, sur tous les points, le jugement de l’archevêque. Dans le public, ce fut un sentiment général de soulagement. Le Times lui-même, naguère si passionné contre les Ritualistes, considéra cette décision « comme une victoire légale de la tolérance et une œuvre de paix. » Le Record, organe des Evangelicals, tout en regrettant l’admission de cérémonies étrangères à l’esprit de simplicité chrétienne, se félicita, « comme d’un bien sans mélange, » de l’accord des cours spirituelle et séculière. Quant à l’archevêque, il écrivait sur son journal : Deo sint gratæ qui rem nostram gubernavit ; pax Ecclesiæ. Amen. Pax Ecclesiæ.


IV

De l’avis général, le jugement rendu dans le Lincoln’s case n’avait pas seulement réglé cette affaire particulière ; sa portée était plus générale ; il rendait impossible à l’avenir tout procès de ce genre et mettait un terme à la persécution judiciaire qui sévissait

  1. Life of Tait, t. II, p. 444.
  2. Memorials personal and political, par lord Selborne, t. I, p. 401,