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nul désir de s’engager dans une entreprise dont il prévoit les dangers et l’inefficacité. Que l’on cherche s’il n’y a pas quelque moyen de refréner certaines fantaisies par trop indisciplinées, c’est possible, et, dans ces limites, les leaders du High Church ne s’en formaliseraient pas. Mais, si l’on veut s’attaquer à ce qui est essentiel dans le cérémonial et dans la doctrine, les Ritualistes ne se soumettront pas ; plutôt que de le faire, ils rompraient les liens qui les attachent à l’Eglise établie, et, dans le trouble de cette disruption, que deviendrait l’Établissement lui-même ? C’est une perspective de nature à faire reculer les gouvernans de l’État et ceux de l’Église.

Admettons donc que les pouvoirs publics se refuseront à prendre l’offensive contre les Ritualistes. Toute difficulté est-elle ainsi écartée ? Il reste à savoir jusqu’à quand le parti ritualiste lui-même acceptera la situation qui lui est faite dans l’Eglise d’Angleterre, jusqu’à quand il lui suffira d’y être toléré, à côté et parfois sous l’autorité d’hommes qui, non seulement sur des formes de culte, mais sur les vérités primordiales représentées par ces formes, sur l’Eucharistie, sur les autres sacremens, soutiennent des opinions qu’il regarde comme des hérésies capitales. Cette réunion d’élémens si discordans n’est pas pour choquer les théologiens du Broad Church qui professent l’indifférence dogmatique. Elle convient aux politiques plus ou moins sceptiques, qui, ne considérant les choses que du point de vue du bon ordre extérieur, trouvent là une garantie contre la multiplication des sectes, et un moyen d’obliger les hommes de convictions opposées à vivre à peu près en paix. C’est ce qu’on a appelé la comprehensiveness de l’Eglise établie d’Angleterre, dont on affecte de lui faire honneur, comme d’une qualité et d’un avantage. Mais tout autre est la conception des Ritualistes, j’entends de ceux pour qui le cérémonial est autre chose que la satisfaction d’une piété superficielle et qui tiennent sérieusement aux croyances ainsi représentées. Ils n’admettent pas que leur Eglise soit un édifice construit de la main des hommes, pour y rassembler les opinions religieuses diverses qu’il peut convenir ; aux Anglais de professer ; ils se sont convaincus, à l’école des’ hommes du Mouvement d’Oxford, que cette Église est une institution divine, ayant reçu le dépôt de vérités révélées qu’elle doit jalousement garder, maintenir et enseigner. La prétendue comprehensiveness, fondée sur une sorte d’éclectisme