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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/623

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tout, à simplifier la silhouette totale de leurs monumens. Ils ne la veulent pas plus compliquée que la silhouette d’une montagne, et pas même d’une montagne de calcaire, mais de granit. Ils s’interdisent toute gesticulation centrifuge ; ils enveloppent toutes les têtes et les membres dans un même contour très simple, comme s’ils les enfermaient dans un cercle magique, sous une coupole invisible. De loin, on ne distingue ni bras, ni jambes ; de près, c’est à peine si on les aperçoit. Le Balzac de M. Rodin fut la plus célèbre manifestation de cette recherche de l’ « enveloppe, » mais elle est loin d’être la seule. On la retrouve dans les monumens de Pasteur et de Balzac, de Falguière, dans ceux de Bismarck et de Wagner, de M. Frantz Metzner, de Berlin, dans le Victor Hugo, de M. Marqueste, dans l’Alphonse Daudet de M. de Saint-Marceaux, dans les Jeunes Aveugles de M. Hippolyte Lefebvre, et, cette année, au Salon de l’avenue Nicolas II, dans Consolation de M. David, dans George Sand de M. Sicard et au Salon de l’avenue d’Antin, dans Eve et dans Soif, de M. Wallgren et dans Adam et Eve de M. Bartholomé.

Quand l’enveloppe est ainsi cherchée, non seulement les membres ne sont pas projetés au dehors d’une limite idéale, mais dans cette limite même, ils se détachent très peu des corps. Les plis mêmes sont rares et peu profonds. La lumière glisse sur un vallonnement de marbre aux inflexions très douces et rejoint l’ombre par des dégradations insensibles comme sur une coupole. Le manteau de marbre sur les genoux ou sur les épaules ne fait pas plus de plis qu’un manteau de neige sur un jardin. Les lignes sont réduites au minimum comme dans la peinture impressionniste et, comme dans la peinture impressionniste aussi, les silhouettes s’émoussent et s’effacent. C’est pourquoi on appelle quelquefois cela de la sculpture « impressionniste. » En fait, c’est de la peinture, parce que les effets qui y sont cherchés sont des effets d’ombre et de lumière tellement indépendans de la ligne qu’ils font penser à des modulations de la couleur. C’est ce que Ruskin conseillait déjà, en 1849, pur cette formule : « Le sculpteur doit peindre avec son ciseau, » et ce que Delacroix notait dans un haut relief de Puget qu’il « appelait une peinture, où manque l’acteur principal, le rayon de soleil. »

Y a-t-il, là, une source de renouveau très féconde ? — Comme le sculpteur ne possède pas les grandes ressources de la