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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/626

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proportions du corps humain, seulement des nuances. Cependant elles sont très sensibles si on compare, par exemple, un corps du XVIIIe siècle avec une académie grecque, une gorge de Houdon avec le cou florentin, un Assyrien charnu avec un chevalier de Donatello, un Discobole ou un athlète assoupli par le gymnase avec un Etrusque épais ou même avec le barbare, le Gladiateur mourant. De même et avec autant de netteté, la myologie d’une statue actuelle tranche sur celle du XVIIIe siècle. On cherche à la renouveler en observant moins les formes raffinées que les formes vigoureuses, moins les muscles oisifs que les muscles entraînés au travail et davantage les types ou les âges où la construction du squelette apparaît que ceux où il est dissimulé par la chair. On cherche à faire l’homme plus vrai, les avant-bras plus minces, les coudes plus saillans, les omoplates et les clavicules plus visibles, les hanches et les genoux traités par à-plat, les mains plus fortes, les pieds plus épais, les membres en général plus nerveux, moins potelés, en un mot, la machine humaine plus anguleuse et plus usée. C’est simplement une réaction contre le potelé du XVIIIe siècle. C’est la mise en lumière de certaines raideurs ou de certaines pauvretés musculaires, autrefois très peu apparentes dans la statuaire, déployées aujourd’hui non parce qu’on les trouve belles, mais simplement parce, que les anciens les avaient dissimulées. On paraît moderne en les montrant ; en les affirmant, on s’affirme. Mais si l’on s’écarte ainsi du XVIIIe siècle, on n’est point, pour cela, très nouveau. On se rapproche des imagiers français du moyen âge et l’on reste bien en deçà du Saint Jean-Baptiste de Donatello. La myologie ne peut différer assez des modèles anciens de l’homme blanc, pour apparaître une myologie nettement moderne. Mais il y a d’autres hommes que l’homme blanc… Ne pourrait-elle pas se renouveler bien plus profondément par l’exotisme ?

C’est une idée nouvelle et qui eût paru fort étrange à nos pères que la race blanche, dite Caucasique, n’offre pas le seul type supérieur et complet de l’homme et que, peut-être, les autres races soient aptes à figurer dans l’art avec leur apport de beauté. Pendant longtemps, elles n’ont figuré qu’à titre de vaincus massacrés par les Grecs ou de prisonniers foulés aux pieds par les Egyptiens dans les mosaïques. C’est grâce aux adorations des Mages que l’art chrétien admit et magnifia la beauté d’autres races que la nôtre, et tout le monde a vu les masques