Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/647

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement, » seraient prêts à « suivre les ordres supérieurs » pour maintenir le bon ordre. L’autorisation ainsi demandée est accordée sans difficultés le 14, par un écrit adressé au bailli, qui recommande seulement aux conseillers de « prévenir tout ce qui pourrait causer quelque désordre ou devenir dangereux pour la paix publique[1]. » Cette favorable réponse est communiquée le 22, par Sa Révérence l’abbé De Lom, et les préparatifs de la fête ne tardent pas à commencer. Un détail marquera qu’un esprit nouveau se développe dans la Confrérie, où les anciennes mœurs se détendent de leur rigueur : pour la première fois, il est décidé que le personnage de Cérès sera représenté au féminin, et M. Jean-Jacques Rochonnet autorise sa fille à remplir ce rôle[2].

Il eût été singulier que, dans l’universelle fermentation des esprits, cette fête, qui rassemblait tant de gens et prêtait à tant d’allusions, se passât sans quelques symptômes d’agitation. Les 14 et 45 juillet, des fêtes civiques célébrées dans plusieurs villes du pays de Vaud, à Ouchy, à Rolle, à Vevey même, avaient été l’occasion de manifestations révolutionnaires. Des milices bernoises occupaient la contrée. Un tribunal extraordinaire siégeait à Rolle, où l’excitation avait paru la plus dangereuse, et frappait les coupables[3]. Aussi les chansonniers ne purent-ils contenir leur enthousiasme : ils le laissèrent percer dans deux couplets, qui parurent suspects au Conseil de police, et furent supprimés. Ils devaient être chantés par la prêtresse des bacchantes, à la suite d’un autre qui ne contenait que l’éloge de Bacchus.

Si les Veveysans ne s’étaient pas mutinés au banquet du 15 juillet, ils n’en avaient pas moins entonné la Carmagnole et porté des toasts à la liberté, en s’embrassant les uns les autres en des expansions dangereuses[4]. Aussi le Conseil de Police, en signalant au « louable Conseil » l’inconvenance dessus, couplets les plus fâcheux, lui recommande-t-il en outre « de veiller à ce qu’il ne soit rien chanté d’étranger à la fête, singulièrement

  1. Protokoll des Geheimen Rates. N° VIII, p. 295. Vom 14 mai 1191. (Communication de M. le docteur Türier, archiviste de l’État de Berne.)
  2. Manual, 4 juillet 1791.
  3. P. Maillefer, Histoire du canton de Vaud, in-8o ; Lausanne, 1903, p. 374 ; et surtout Ch. Burnier, la Vie Vaudoise et la Révolution, in-8o ; Lausanne. 1902, p. 213-238.
  4. A. Cérésole, ouvrage cité, p. 94.