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ont-elles mal tourné ? Il n’y a point de défaite. Il n’y a même pas eu de lutte. L’artillerie a donné trop tard : le mal était fait ; l’ennemi était déjà dans la place. On peut toujours trouver quelque excuse semblable. La plupart des raisonnemens favorables sont bâtis sur ce modèle. Les esprits sont prévenus. L’enquêteur trouvera autant de témoins qu’il voudra de l’efficacité du tir.

Il y a surtout trois effets sur la constance desquels presque tout le monde s’entend. Beaucoup ont vu pendant le bombardement les éclairs devenir rares et les coups de tonnerre s’espacer dans la zone défendue tandis que la foudre faisait rage en dehors de cette zone. — Un second effet signalé par les opérateurs, c’est la dispersion des nuages orageux : les tireurs ont constaté que les décharges trouaient la masse opaque et noire et en chassaient au loin les débris.

Un troisième phénomène fréquemment observé à la suite des tirs consiste dans des chutes de neige et de grêlons mous ressemblant à de la glace écrasée et à moitié fondue. Ces chutes de neige et de gréions mous ont paru spéciales aux orages attaqués à coups de canon : ce serait alors la preuve décisive, la preuve cherchée, de l’influence exercée par le tir. Les partisans enthousiastes de la défense contre la grêle triomphent bruyamment sur ce point : ils ne craignent point d’affirmer que le bombardement a pour résultat d’arrêter la formation de la grêle à son premier stade, qui est l’apparition de la neige et du grésil, ou de l’y faire rétrograder.

Tous ces faits sont parfaitement réels. Mais l’erreur consiste à croire qu’ils soient spéciaux aux orages contre lesquels on a lutté à coups de canon. Ils appartiennent à beaucoup d’orages contre lesquels l’on n’a rien fait. Toute la question est de savoir s’ils sont décidément plus fréquens à la suite des tirs. Et ce n’est qu’une étude attentive et prolongée qui est capable de nous l’apprendre.

Il est donc parfaitement possible, au résumé, que les tirs soient efficaces et qu’ils aient les effets qu’on leur attribue : mais le contraire est également possible. — Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’aucun de ces effets ne leur est exclusif et ne saurait, par conséquent, être mis à leur compte avec certitude. La lutte pourrait n’avoir fait qu’attirer l’attention sur des phénomènes négligés, banals, communs à tous les orages, et les avoir seulement mis en relief. Ce qu’il importe de savoir, c’est si leur production est favorisée par les pratiques de la défense. Une pratique d’une ou deux années seulement, comme celle dont les résultats ont été exposés au congrès de Lyon en 1901, était impuissante à l’établir. L’expérience des trois dernières