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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/731

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incomparablement sur les jeunes, beaucoup plus impressionnables, quelque vaillans qu’ils soient[1]. Les premiers ont la solidité du glacier marmoréen que la fournaise d’août ne peut entamer ; les autres, celle de la neige du printemps qui fond au premier soleil. On doit en croire celui dont le génie a été éclairé par toutes les expériences heureuses et malheureuses de la guerre, qui a employé les vieilles troupes et les jeunes, et qui, à Sainte-Hélène, a dit : « C’est de vingt à cinquante ans que l’homme est dans toute sa force, c’est donc l’âge le plus favorable pour la guerre. Il faut encourager par tous les moyens les soldats à rester aux drapeaux, en faisant une grande estime des vieux soldats. »

Bugeaud et bien d’autres ont pensé de même. Stoffel écrit dans un de ses rapports : « En Prusse, tous les militaires éclairés reconnaissent que nos soldats l’emportent sur tous les autres par une individualité plus grande, par une intelligence plus vive, un élan incomparable ; ils regardent l’insouciance, la gaieté française comme des qualités précieuses à la guerre ; ils avouent que nos soldats sont plus ingénieux et meilleurs marcheurs. D’autre part, ils admettent l’avantage que donnent à l’armée française une plus longue durée de service et la présence de vieux soldats dans les rangs : ils nous envient surtout la composition de notre corps de sous-officiers. »

Par combien de faits on pourrait justifier toutes ces opinions ! En voici un entre mille autres. En Crimée, se trouvaient les hommes de la classe de 1847. Leur temps de service devait finir en décembre 1854 ; nos vaisseaux avaient amené leurs remplaçans ; ils étaient donc libres de droit. Mais c’étaient des soldats exercés, aguerris, les plus forts, les plus braves, qui avaient toujours donné l’exemple. On leur dit : « Nous avons besoin de vous, restez jusqu’à ce que nous ayons pris la place. » Pas un ne partit, et, le jour de l’assaut, ils étaient en tête, entraînant les plus jeunes. Voilà ce que savent faire les vieux soldats.


III

Napoléon III se préoccupa aussi de la seconde lacune de la loi de 1832 : le manque d’instruction de la réserve. La guerre de Crimée avait attiré son attention sur cet inconvénient. L’armée

  1. « La boue est un bien dangereux adversaire de l’enthousiasme. » (Goltz, La nation armée.)