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« non sans rire un peu, dit Saint-Simon, d’une telle fonction ensemble. »

Quelques jours après, la Duchesse de Bourgogne intervint auprès du Roi, qui n’avait fait qu’un médiocre présent de pierreries à la Duchesse de Berry et gavait rien donné au Duc de Berry, pour qu’il lui donnât au moins quelque argent de poche, car, faute d’argent, le jeune prince n’avait pu jouer au dernier voyage de Marly. Le Roi, en s’excusant sur le malheur des temps, lui remit cinq cents pistoles.

La Duchesse de Bourgogne eut peu à se louer de cette belle-sœur, qui ne tarda pas à vivre en assez mauvaise intelligence avec elle. Bientôt, elle s’impatienta de l’amour que le Duc de Berry témoignait à sa femme, trouvant qu’il était « par trop fade, » et comme elle aimait sincèrement ce jeune beau-frère, elle dut se repentir de la femme qu’elle lui avait donnée. La Duchesse de Berry qui, comme Mademoiselle, avait bien caché son jeu, et paraissait timide et modeste, ne tarda pas à se montrer telle qu’elle était, c’est-à-dire grossièrement gourmande, buveuse, portée à la débauche en tout genre, et de plus insolente. On sait le triste rôle joué par elle sous la Régence, et l’on comprend cette réflexion philosophique par laquelle Saint-Simon clôt le long récit des peines qu’il se donna pour ce mariage : « Plus cette princesse se laissa connoître, et elle ne s’en contraignoit guère… plus nous gémîmes du malheur d’avoir si bien réussi dans une affaire que, bien loin d’avoir entreprise et suivie au point que je le fis, j’aurois au contraire traversée avec encore plus d’activité quand même Mlle de Bourbon en eût dû profiter et l’ignorer, si j’avois su le demi-quart, que dis-je, la millième partie de ce dont nous fûmes si malheureusement témoins[1]. »


III

Ainsi la Duchesse de Bourgogne s’exerçait peu à peu à remplir ses fonctions de future reine, quand un événement tragique vint brusquement la mettre davantage encore au premier plan et en pleine lumière.

En 1711, Monseigneur avait cinquante ans. Il était dans la

  1. Saint-Simon, édition de 1856, t. VIII, p. 338.