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ventrus où les fleurs jouent un rôle important. A tous les balcons, à toutes les fenêtres retombe une frange odorante d’œillets, penchant vers nous leurs figures, comme me le fait remarquer l’inventeur de cette jolie décoration. Une galerie couverte rattache l’habitation proprement dite à l’atelier coiffé de chaume, où le maître de céans a rassemblé les objets curieux recueillis en ses voyages, les aquarelles très renommées qui lui permettent d’emprisonner tout vifs dans ses cartons l’Egypte, la Californie, la Sicile, la Grèce, l’Espagne, l’île de Crète, l’Italie surtout et l’Orient, sans préjudice des pays du Nord. Oh ! l’aspect charmant de cet atelier ! Tout y est une fête pour les yeux, choses et gens, quand devant le chevalet où défilent un à un de beaux paysages, avec le récit rapide des incidens qu’ils évoquent, se groupent des admiratrices attentives, produisant elles-mêmes dans la grande pièce un effet d’ornement, jeunes voisines de campagne en jupe écourtée pour la marche, sveltes, agiles, curieuses, qui reconnaissent vite ceci, cela, car elles aussi ont voyagé et elles se promettent bien de voyager encore.

Ou bien les visites sont reçues dehors, sur la pelouse que, chaque matin, je vois des mains vigilantes épousseter, balayer comme un tapis. La table à thé avec ses accessoires d’argent et de cristal étincelle au soleil, et durant une partie de l’après-midi les voitures, les autos se succèdent, amenant des visiteurs qui s’asseyent quelques instans, grignotent un sandwich et repartent.

L’atelier l’a trahi, vous êtes chez un artiste, tout homme du monde qu’il soit : artiste à bien des titres, le pinceau et la plume à la main, romancier, poète, musicien, auteur dramatique. Les lecteurs de la Revue le connaissent ; pourquoi ne pas nommer Hamilton Aidé ? Il a fait de sa demeure un écrin de choses rares, disposées avec le goût qui lui est propre, et dans cette retraite élégante autant que studieuse, passent des hôtes de tous pays ; leurs noms inscrits au livre des visiteurs vous font rêver de Décamerons cosmopolites dont est vraiment digne ce cottage esthétique. A-t-on fini de causer, il reste à regarder les collections considérables d’autographes précieux, écritures et dessins On peut s’attarder aussi dans la bibliothèque aux murs revêtus du beau cuir doré, patiné par le temps, des éditions anciennes, ou s’isoler au jardin pour lire, pour rêver, tantôt dans la vieille Angleterre et tantôt en Italie, selon le temps. La vieille Angleterre, c’est l’abri frais et ombreux d’un grand chêne ; l’Italie, la