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ailleurs : « Le roman autobiographique n’a pas été autant un genre littéraire qu’il n’a été une manière de moraliser. » Le fait est que, dans son examen de chacun des exemplaires fameux du roman personnel, M. Merlant s’efforce surtout d’en développer le contenu moral. Et cela n’est pas sans surprendre un peu dans une étude qui devait être avant tout un chapitre d’histoire littéraire. Toutefois, en réunissant un certain nombre d’utiles indications éparses dans ce livre, en profitant aussi des fines analyses que contient l’ouvrage bien connu de M. André Le Breton sur le Roman au XIXe siècle, nous pourrons esquisser la solution de quelques-uns des problèmes que soulève ce sujet. Quelle place occupe le roman personnel dans l’histoire du genre ? A quelle date et dans quelques circonstances le voit-on apparaître ? Quelles formes différentes a-t-il revêtues ? Quels rapports soutient-il avec la poésie lyrique ou les autres variétés de la littérature romanesque ? Sous quelles influences a-t-il succombé ? D’où vient qu’à plus d’une reprise on l’ait vu renaître ? Ce sont là autant de questions dont on aperçoit aisément l’intérêt.

Le roman personnel est essentiellement celui où l’écrivain se confond avec son personnage principal. Soit qu’il emprunte aux souvenirs de sa propre existence un épisode dont il se borne à mettre sous nos yeux le récit, soit qu’il imagine une aventure fictive pour y encadrer son être moral, c’est toujours lui qui est en scène. Il fait au public les honneurs de sa vie intérieure. Il se raconte. Il se confesse. Ce parti pris de concentrer sur lui seul toute l’attention a pour conséquence que l’ordonnance générale du récit en soit toute modifiée. Les autres personnages admis à y figurer n’ont de rôle que par rapport à lui ; au surplus, il les élimine autant que possible, en sorte qu’on aura des romans à deux personnages, comme Adolphe, et même des romans où le héros reste tout seul en face de lui-même, ce qui est le cas d’Oberman et de René. L’écrivain n’aperçoit l’humanité tout entière qu’à travers son humeur et ses dispositions actuelles, et ses jugemens ne sont que l’écho et le prolongement de ses émotions. Ce genre, — consacré par des chefs-d’œuvre, — s’est développé chez nous dans les premières années du XIXe siècle. La période la plus brillante de son histoire est celle qui va de 1802 à 1816, et qui commence avec Delphine pour aboutir à Adolphe, en passant par Oberman et René. Après 1830, il trouve un regain de faveur ; c’est le temps de Volupté, d’Indiana, de la Confession d’un enfant du siècle. Mais déjà dans la littérature romanesque d’autres tendances prévalent, qui l’emporteront sur la tendance personnelle. Ou, pour mieux dire, le roman,