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de Porto-Ferrajo dans l’île d’Elbe. Nous attaquâmes deux fois cette ville avec nos canots armés en guerre d’une part et nos vaisseaux de l’autre.

Cependant les fièvres malignes contractées pendant la traversée de Brest à Toulon continuant à décimer les équipages, l’amiral Ganteaume prit le parti de renvoyer à Toulon l’amiral Linois avec le Formidable, l’Indomptable et le Desaix, qui complétèrent avec leurs hommes valides les équipages des autres vaisseaux.


IV
La division de l’amiral Linois. — Bataille d’Algésiras. — Je suis proposé pour une arme d’honneur. — Incendie de deux trois-ponts espagnols.

Je fus contrarié de voir le Desaix rentrer au port, et c’est cependant à cette circonstance que j’ai dû de faire une campagne plus active et plus intéressante que celle à laquelle nous étions destinés. Tout est heur et malheur dans la vie des marins ; il faut suivre son sort, se fier à la Providence et être prêt à toute heure au sacrifice de sa vie.

Nous passâmes quelques semaines à Toulon, où la beauté du climat fit disparaître les maladies, et nous en partîmes le 13 juin 1801 à destination de Cadix et de Saint-Domingue. Nos vaisseaux armés depuis longtemps, bien commandés, ne ressemblaient plus à ces armemens de fortune trop fréquens à cette époque, : mus partîmes donc pleins d’ardeur. L’escadre commandée par l’amiral Linois se composait des vaisseaux le Formidable, l’Indomptable et le Desaix, et du Muiron, ancienne frégate vénitienne, dont la mauvaise marche ne faisait qu’entraver nos mouvemens. Elle était commandée par M. de Martineng qui n’avait guère plus de vingt-cinq ans à cette époque, et qui a été par la suite un de mes meilleurs amis.

Nous allions sans nous en douter cueillir les seuls lauriers qui soient échus à la marine dans cette sombre période, au moins dans les mers d’Europe ; car si la victoire d’Algésiras n’a pas eu de grandes conséquences, elle n’en demeure pas moins un des plus beaux faits d’armes de notre histoire navale. On en a peu parlé. La gloire de Napoléon absorbait l’attention du monde entier, et l’amiral Linois fut trop notoirement étranger, malgré son courage indiscutable) au succès de son escadre, pour