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-lumbo ; que ce dernier faisait fonctions de régent pendant la minorité du Dalaï-lama, le souverain du pays, dont il était le tuteur ; que le Dalaï-lama réunissait dans sa personne l’autorité spirituelle et l’autorité politique, mais que, cependant, comme prince temporel, il reconnaissait la suprématie de l’empereur de la Chine. Ils donnèrent en outre beaucoup de renseignemens sur la contrée d’où ils venaient et sur la route qu’il fallait suivre pour s’y rendre. Les présens mêmes qu’ils portaient de la part du Taschi-lama ajoutaient à la valeur des renseignemens qu’ils transmettaient et à l’intérêt qu’ils inspiraient. Dans le nombre de ces présens étaient des cuirs dorés, des talens d’or et d’argent, des bourses de poudre d’or, des sachets de musc pur, des draps étroits fabriqués au Thibet et des soieries de Chine. Les coffres qui contenaient les présens étaient bien travaillés et joints en queue d’aronde. Ces divers objets firent croire à Calcutta que le Thibet était un pays riche, avait un commerce étendu et avait fait certains progrès dans les arts utiles.

Warren Hastings était un homme plein d’initiative et avait de l’ambition. À la suite de la création du poste de gouverneur général de l’Inde, il venait d’être promu à cette éminente fonction et tenait à justifier le choix qu’on avait fait de lui. Il voulait faire grand. Dans cet état d’esprit, la démarche du Taschi-lama était bien faite pour lui plaire. Créer des relations entre le Bengale et le Thibet, faire ouvrir aux Anglais l’accès de ce pays, l’explorer, y faire pénétrer leurs marchandises étaient pour lui autant de séduisantes perspectives. L’horizon se découvrait encore plus loin devant lui. Par delà la barrière de l’Himalaya aplanie et le plateau thibétain asservi, il voyait s’ouvrir l’immense débouché de la Chine et sa fourmilière d’hommes. Les Chinois se montraient alors peu favorables au commerce par la voie de mer et pleins de méfiance à l’égard des étrangers qui fréquentaient leurs ports. Ne pouvait-on espérer que l’on pourrait nouer avec eux des relations commerciales par la voie de terre, lesquelles ne leur inspireraient pas autant de méfiance et de précautions que celles qu’ils étaient amenés à pratiquer par la voie de mer avec les Européens ? Et n’avait-on pas grande chance de réussir, si, pour établir ces relations, on se servait de l’intermédiaire du Taschi-lama ? Le ton de la lettre du régent du Thibet montrait le bon sens, la modestie, la simplicité de cœur du personnage. Ses ambassadeurs racontaient qu’il était chéri pour