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A peu près vers la même époque, l’attention des Anglais se trouva portée vers le Turkestan oriental à la suite des événemens mémorables qui se passèrent dans l’Asie centrale. Fatiguées du joug de la Chine, les populations musulmanes des provinces chinoises du Kansou et du Chensi se soulevèrent et l’insurrection, gagnant de proche en proche, s’étendit jusqu’à la Dzoungarie et au Turkestan oriental, en 1863. Les musulmans révoltés avaient trouvé un chef dans la personne d’un des leurs, nommé Yakoub, ancien danseur public, qui sut grouper les élémens épars de l’insurrection, les discipliner, et s’en composer une redoutable armée. Yakoub chassa les Chinois d’Yarkand, de Kachgar, s’empara de Khotan, soumit Kourla, puis, voulant devenir maître de tous les pays ayant composé l’ancien Turkestan, tourna ses armes contre le Cachemire, et s’empara, en 1866, de Chahidoulla et des hautes vallées du Karabach et du Ruskem-Daria, en ramenant ainsi les frontières du Cachemire au Kouen-loun.

En une telle occurrence, le gouvernement de l’Inde, en sa qualité de suzerain, aurait dû intervenir et prêter secours à son vassal et allié le maharajah de Cachemire ; il ne le fit point. Il jugea plus habile de se plier aux circonstances et de profiter du nouvel état de choses pour étendre son influence au nord du Thibet. Yakoub ayant pris le titre d’émir d’Yarkand, l’Angleterre s’empressa de reconnaître le nouveau souverain, et une ambassade extraordinaire, à la tête de laquelle était M. Forsyrth, lui fut envoyée en 1873 avec mission de conclure un traité de commerce et d’ouvrir des relations commerciales entre le Turkestan et l’Inde à travers le Petit Thibet et le Moyen Thibet. Les Chinois ayant détruit, en 1878, l’empire éphémère d’Yakoub et replacé le Turkestan sous leur autorité, le gouvernement de l’Inde ne put profiter des avantages qu’il avait su se faire accorder, mais du moins sut-il empêcher la Chine d’étendre dans ces parages sa domination sur les hautes vallées du Karakach et du Ruskem-Daria et reprendre les territoires du Turkestan méridional au delà du Korakorum et du Kouen-loun qu’avait conquis Gulab-Singh et qu’avait perdus son prédécesseur.

Dans ces dernières années, l’Angleterre a travaillé avec esprit de suite à fortifier sa domination sur les régions hymalayennes, soit en resserrant les liens qui unissent les États indiens indigènes à l’empire des Indes, soit même en procédant à leur annexion.