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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/366

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victime d’une tentative de corruption, on fermait le circuit, discréditant d’un seul et même coup, par la farce grossière que jouait, probablement sans le savoir, Salvatore Aguglia, l’initiative généreuse et désintéressée de Pantaleoni, et toutes celles qui, malgré lui et à son vif mécontentement, non moins désintéressées, non moins généreuses, s’exerçaient parallèlement, en dehors d’elle[1]. Désormais, la police pontificale est sur pied, Un peu étourdiment peut-être, ou peut-être avec une candeur qui de toute façon ferait honneur à son caractère et témoignerait de l’excellence de ses intentions, le docteur Pantaleoni s’est confié à Monsignor Matteucci, governatore di Roma ; « il a cherché à le gagner à sa cause[2]. » Or, qu’est-ce que le governatore di Roma ? Le préfet de police du Pape ! Les instructions et les lettres de créance que le Père Molinari devait apporter sont en route. Mais où est passé le Père Molinari ? Tandis qu’on l’attend à Rome, il a reçu de son général l’ordre de n’y point toucher barres et de pousser d’une traite jusqu’à Naples. C’est de Naples et par l’entremise de Nigra que Pantaleoni reçoit, le 10 ou le 11 mars, les papiers partis de Turin le 22 février. Rien ne va plus, ou tout va de travers. Les choses se gâtent, le dénouement se précipite. Pour la troisième fois, Pantaleoni est banni de Rome. Ainsi finit cette aventure, et, à quarante-cinq ans de distance, il semble bien qu’elle ne pouvait guère finir autrement. Le plus étonnant serait que Cavour, avec toute sa prudence, s’y fût non pas lancé, ni jeté, mais seulement prêté, si sa prudence même n’eût été à l’occasion aventureuse et si son génie politique n’eût été un génie italien total, où se composent et se complètent ces deux termes : la prudence, la patience, patienza, et l’aventure, le risque toujours, qui sait, chi lo sa ? La dernière lettre, ou plus exactement les dernières lettres de Cavour à

  1. Et cependant peut-être « y avait-il quelque chose, » car le comte de Cavour s’en explique bien longuement, dans sa lettre à Pantaleoni, du 22 mars 1861, où il abonde en détails sur Omero Bonzino, avec lequel il dit avoir eu une entrevue, où il l’avait chargé « de faire connaître à Rome ses intentions, soit pour traiter au moment opportun, soit par rapport au cardinal Antonelli. » — L’idea italiana, Documenti, XXXV, p. 206. — Une de ces initiatives, parfaitement désintéressées, mais désagréables à Pantaleoni, fut celle du professeur Carlo Matteucci, qu’il ne faut pas confondre avec le governatore di Roma, préfet de la police pontificale, Mgr Matteucci. Voyez la dépêche chiffrée de Cavour à Pantaleoni (transmise par Teccio) du 20 février 1861, et l’Extrait d’une lettre de Pantaleoni au professeur Carlo Matteucci. L’idea italiana, Documenti, XXIV, p. 196 et XXXVI, p. 207.
  2. Ibid., Documenti, XXXIII, Lettera 10 marzo 1860. Pantaleoni al conte Cavour, p. 202.