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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/377

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un, un Concordat ; mais cependant, vingt ans après, ayant à qualifier ce projet, on le qualifiera de concordat[1], tellement on lui trouvera, au moins dans la forme, de ressemblance avec les concordats condamnés ; et quant au fond, ce sera la séparation que Cavour et Pantaleoni auront voulu faire, mais ils ont voulu la faire par traité, et pour Rome, mais dans la liberté. Pantaleoni n’a jamais cessé de rêver d’une réforme apportant à l’Eglise un renouveau, et Cavour, qui ne rêvait pas, qui n’en avait ni le temps ni le goût, et qui d’ailleurs n’avait point charge des intérêts et des destinées de l’Eglise, Cavour lui-même abordait la séparation dans un esprit non seulement sans hostilité, mais libéral, et plus que libéral, favorable, — dans un esprit hautement et largement chrétien. Un des hommes qui l’ont le mieux connu, qui ont vécu le plus près de lui, le mari de sa nièce préférée, le marquis Carlo Alfieri di Sostegno, n’hésitait pas à s’en porter garant :


Un jugement bien superficiel ou la mauvaise foi, remarque le marquis Alfieri dans des notes qu’il nous a laissées, peuvent seuls confondre le comte de Cavour avec les ennemis de toute religion, et en particulier du catholicisme. Sa pensée était, au contraire, de rendre au sentiment religieux, au moyen de la liberté la plus étendue, — comme elle est aux États-Unis, si cela eût été possible, — cette puissance moralisatrice sur les âmes qui a permis au christianisme de conquérir les peuples.

Le comte de Cavour voulait le libre exercice de l’autorité spirituelle de l’Église. Le grand libéral qu’il était, toujours en quête d’armes défensives contre le despotisme,... aspirait à rajeunir la résistance morale la plus formidable que nous montre l’histoire à l’encontre des pouvoirs humains, celle qui trouve jusque dans le sang des martyrs la source du triomphe définitif !...


Ainsi la pensée de Cavour, c’est d’abord de se faire donner Rome par l’Église, mais c’est ensuite, ou en même temps, de donner à l’Eglise la liberté, en souhaitant qu’elle en use pour le bien, pour la force, pour le développement, le rayonnement, l’épanouissement de la religion catholique en Italie et dans le monde


V

Cette pensée emplit jusqu’à la dernière heure, qui était proche, les derniers jours du fondateur de l’unité italienne. Dès

  1. Francesco Scaduto, Guarentigie pontificie.