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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/434

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Daëndels lui fit la promesse formelle, que ses pouvoirs rendaient réalisable, de faire rentrer mon frère dans la marine impériale avec le grade de capitaine de vaisseau, s’il menait à bien son entreprise. Cette promesse le décida. Il affréta un navire américain, et après avoir dirigé sa marche de manière à passer hors de vue de toute terre et de tout navire, il atterrit au bout de cent cinq jours de mer à Batavia, à l’heure précise qu’il avait indiquée la veille d’après ses observations.

Le général Daëndels, enchanté de ses services, le garda près de lui avec le grade d’adjudant général de la marine. Il fallut créer une flottille pour réprimer les incursions des pirates malais qui désolaient les rivages de l’île. Pierre parcourut les forêts, fit abattre des arbres dont il construisit des navires, découvrit une plante fibreuse dont on tressa des cordages, fondit des canons, enfin produisit de toutes pièces une flottille de cent quarante-cinq petits navires armés d’un ou de deux canons, avec lesquels il commença à faire la chasse aux sauvages. Il lui fallut une année de combats et de dangers incessans sur ces côtes inexplorées pour réduire ces ennemis. Malheureusement le général Daëndels fut élevé à la dignité de maréchal et rappelé en Hollande. Il fut remplacé par ce général Janssen, dont la faiblesse avait déjà causé la perte de la colonie du Cap. Les Anglais envoyèrent des Indes une expédition contre Java, et, au bout de deux mois et demi de lutte, l’île fut conquise. Mon frère, qui se défendait encore dans la région occidentale, effectua le dernier sa soumission. Les Anglais lui firent les offres les plus séduisantes pour l’engager à rester à Java et à diriger leur marine. Il préféra la captivité où il demeura jusqu’à la fin de la guerre en 1814.

Sur quatre frères qui portions les armes au commencement de cette guerre, deux étaient morts en combattant, les deux autres étaient prisonniers. La captivité me pesait lourdement ; je supputais les chances d’avancement que j’aurais pu avoir en continuant à servir, et maudissais le sort contraire qui me condamnait à l’inaction. Pour attirer l’attention du gouvernement français, je faisais mille projets. L’un d’eux fut emporté en France dans une reliure de livre, par un jeune officier, M. de la Susse, venu en Angleterre pour traiter des échanges de prisonniers. Ce projet consistait à partir de Rochefort avec des embarcations armées, et à aller incendier l’escadre anglaise qui séjournait en