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précis, le moyen de douter ! Cette Virginie ne pouvait être qu’infiniment aimable. Elle eut toutes les qualités, sauf une pourtant... qui est d’avoir .existé. Le sage Taubenheim, au moment où il connut Bernardin, n’était pas marié ; il avait tout de même, offrant à sa sagesse un peu de distraction, donné le jour à un enfant ; mais ce fruit des amours de Taubenheim était un fils. — Ailleurs, Aimé Martin, dans les pages où il parle du cours que Bernardin professa à l’École normale en 1795, relate l’enthousiasme que fit éclater tout l’auditoire lorsque, dans une phrase très simple, cet homme vénérable prononça le nom de Dieu, Nous avons sur cet incident une note manuscrite de Bernardin, et le malheur veut qu’elle décrive en termes justement opposés l’attitude de ces normaliens de la première heure. Bernardin ayant commencé par demander qu’on lui laissât du temps pour préparer son cours, parce qu’il était incapable d’improviser : « Cet aveu si naturel, remarque-t-il, m’attira beaucoup d’applaudissemens ; mais quand ensuite j’ajoutai : « J’espère vous l’apporter bientôt, s’il plaît à Dieu, » cette expression s’il plaît à Dieu, sur laquelle j’appuyai, excita un murmure de mécontentement dans une partie de l’assemblée. Je me dis alors en moi-même : Dans quelles ténèbres la nation va-t-elle être plongée, si ceux qui en sont les yeux, ne peuvent supporter le plus petit rayon de lumière ? » La liste est longue des inexactitudes ou des inventions d’Aimé Martin. Pareillement M. Souriau relève dans l’étude de M. Maury, — .étude très sérieuse et consciencieuse, à laquelle il est loin de rendre justice, — un certain nombre d’inadvertances. La plus grave consiste à avoir mal identifié une lettre adressée à Bernardin. Cette lettre, que M. Maury attribuait à une demoiselle Girault, contient une longue et. catégorique déclaration d’athéisme. Elle semblait ainsi apporter un important document sur l’état de certaines âmes féminines à la veille de la Révolution. Cette lettre étant, non de Mme Girault, mais de son frère, tout l’intérêt en disparaît, et avec lui tombent les conclusions qu’on en avait tirées. M. Souriau certifie ainsi un grand nombre de points de détail. Il reste à savoir si ces corrections de détail modifient sensiblement l’opinion que nous nous étions faite du caractère de Bernardin, et l’impression que son œuvre doit nous laisser.

Ce n’est que fort tard, au lendemain de la publication des Études de la nature, et quand il approchait donc de la cinquantaine, que Bernardin connut le succès et avec lui le repos. Jusqu’alors, poussé par son humeur inquiète et poursuivi par la malechance, il avait promené du Septentrion aux Tropiques, à travers beaucoup de pays et beaucoup de métiers, une existence aventureuse et besogneuse. Tour à