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LA BATAILLE DE TSOUSHIMA


I

L’empressement avec lequel les écrivains maritimes ont discuté la bataille de Tsoushima n’a rien qui doive surprendre. C’est qu’elles sont fort rares les batailles navales dont on peut avec assurance invoquer les résultats et les péripéties pour consacrer ou pour rejeter des théories tactiques presque toujours établies a priori, pour approuver ou pour critiquer les nouveaux types de bâtimens, pour modifier dans un sens ou dans un autre, avec la répartition et la puissance relative des engins de combat, la balance de l’armement défensif et de l’armement offensif.

Nous avons vécu longtemps sur la bataille de Lissa, qui avait pour la première fois mis en scène les cuirassés et fait revivre avec éclat une méthode de combat, le choc, fort en honneur dans l’antiquité ; une bataille où, d’ailleurs, c’était le parti le moins nombreux, le moins bien armé même, qui avait remporté la victoire, ayant pour lui la supériorité du caractère chez le commandant en chef et celle de la force morale chez les subordonnés.

Le combat d’Escombreras, en 1873, fut en revanche peu remarqué et ne méritait guère de l’être, l’un des partis combattans (les centralistes Espagnols) ayant visiblement ménagé l’autre (les fédéralistes de Carthagène), ou plutôt les navires de l’autre, les meilleurs de la Marine d’Espagne.

Quelque vingt ans après, — et nous passons sur des rencontres partielles dans les conflits maritimes de l’Amérique du Sud, — deux marines toutes nouvelles se heurtaient dans le golfe du Pé-tchi-li : des « Jaunes, » Chinois et Japonais, vidaient sur mer leur éternel différend au sujet de la Corée, non plus avec des