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la vérité, l’attention sur la puissance redoutable, mais connue, des mines sous-marines. Quant à la bataille du 10 août 1904, décisive sans doute au point de vue de la marche des opérations, elle était restée quasiment indécise au point de vue tactique : ne savait-on pas que Togo avait, un moment, fait « frapper » le signal de cesser le combat et que, sans la mort de l’amiral Withœft, les choses auraient bien pu tourner à l’avantage des Russes. En tout cas, la retraite de ceux-ci, après l’inexplicable volte-face qui marqua la transmission du commandement, n’avait pas été sérieusement inquiétée et les torpilleurs des Japonais avaient paru aussi fâcheusement circonspects que leurs cuirassés. De toute façon, il n’y avait rien à tirer, comme enseignement, de cette bataille, d’autant que les deux partis semblaient s’entendre pour garder le silence sur leurs intentions et sur leurs actes dans une journée qui n’apportait pas, au fond, beaucoup plus d’honneur à l’un qu’à l’autre…

Mais s’expliquent-ils davantage, aujourd’hui, sur cette rencontre des 27 et 28 mai 1905 dont les résultats ont frappé d’étonnement jusqu’aux vainqueurs eux-mêmes, si confians qu’ils fussent dans leur supériorité, et dont les péripéties semblaient tout d’abord fertiles en leçons nouvelles ? — D’un côté, un rapport officiel que l’on doit juger bien mal traduit si l’on ne veut pas admettre que le commandant en chef japonais se soit étudié à le rendre inintelligible ; de l’autre, des rapports particuliers, très brefs, de chefs en sous-ordre, qui ont peut-être beaucoup à cacher, de subordonnés, qui n’ont vu qu’un coin de l’affaire et d’officiers généraux, de terre ou de mer, qui n’y assistaient point, voilà tout ce que nous possédons jusqu’ici pour guider notre jugement[1]. Ce serait peu si nous avions la prétention de l’asseoir, ce jugement, d’une manière définitive ; mais tel ne saurait être notre dessein et, tout en établissant, ou plutôt en rétablissant exactement les principes généraux qu’on a pu mettre en discussion à propos d’événemens dont la genèse et la marche sont si mal connues, nous nous bornerons à poser des points

  1. Au moment où cet article était à la composition, un journal a fait paraître l’analyse du rapport officiel de l’amiral Rodjestvensky, qui serait parvenu à Pétersbourg le 10 juillet. Le fond et encore plus la forme de certaines appréciations nous font douter de l’authenticité du document ou de la fidélité de l’analyse. Il faudrait, du reste, avoir le texte complet du rapport si l’on en voulait tirer des conclusions définitives. Du moins, dans ce qu’on a livré au public, n’y a-t-il rien qui infirme nos conclusions provisoires.