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d’ordres avaient été expédiés vers la France hospitalière avec une suffisante escorte de dragons et de gendarmes. Dans les derniers jours de 1809, il ne restait à Rome que deux vieux cardinaux infirmes, âgés l’un de 85 et l’autre de 87 ans, et encore se décida-t-on, en 1810, à évacuer sur Paris ces fauteurs de troubles.

A dire vrai, l’événement sembla justifier tout d’abord, — au point de vue de la politique, — cette razzia de hauts prélats. Le départ du Pape parut avoir diminué la contrainte qui pesait sur les relations de Miollis et de l’aristocratie. Ayant donné, quatre jours après l’escalade, le 10 juillet, un grand bal, audacieux coup de sonde, Miollis y vit accourir, le sourire aux lèvres, des patriciens qui jusque-là avaient décliné ses invitations. L’opposition parut paralysée : on avait peur ; l’exploit de Radet semait ta terreur : si on avait osé porter la main sur le Saint-Père, que ferait-on de moins respectables opposans ? Le peuple sombre se terra ; l’aristocratie parut disposée à se rallier.

La Consulte venait de créer l’organe de ce ralliement : toujours hantée des souvenirs de la Rome antique, elle avait pris sur elle de constituer au Capitole un Sénat romain : il devait être de 60 membres, suivant l’arrêté du 1er août ; le président fut Braschi. Quarante patriciens, inscrits sans être consultés sur la liste des nouveaux laticlaves, n’osèrent protester. Mais ce fut Napoléon qui protesta. Si entiché qu’il fût de Rome, il n’entendait point en faire, ainsi que le croyait Miollis, une ville à ce point privilégiée. Il ne devait y avoir dans l’Empire qu’un sénat, le sénat impérial du Luxembourg : l’Empereur y appellerait des nobles romains. Quant au sénat du Capitole, il dut se contenter lu titre plus modeste de conseil municipal, ce qui, en vérité, le faisait presque choir du Capitole à la Roche Tarpéienne. De président du Sénat, Braschi devint maire de Rome ; ce superbe Romain accepta sans broncher cette relative déchéance ; il dépouilla la toge laticlave pour se ceindre de l’écharpe plébéienne qui était en train de faire le tour de l’Europe. C’était un homme d’esprit médiocre et d’admirable prestance, désireux de toucher des créances qu’il possédait sur l’Etat et, partant, avide de plaire ; il était sceptique et bon Romain : il n’eût peut-être pas accepté l’autre place ; c’est au moins ce qu’il disait à de nobles cousins un peu moins ralliés que lui ; c’était un partisan tiède et provisoire de l’Empire, mais c’était un maire décoratif que, suivant l’expression du baron de Tournon, en ses Mémoires restés