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Gedendrup éleva, en 1447, le grand monastère de Taschi-lumbo dont le supérieur prit le titre de Taschi-lama et fut reconnu être l’incarnation de Tsong-kapa et par conséquent d’Amithaba. Définitivement vaincus, les Chammars furent obligés de se retirer dans certaines localités du Thibet où l’on toléra leur séjour, et, dès lors, la puissance des « bonnets jaunes » devint telle que les chefs des grands dans féodaux du Thibet en prirent ombrage et entamèrent contre les lamas une lutte qui tourna d’abord au désavantage de ces derniers. Un de ces princes, Pagmandou, réussit même à soumettre tout le Thibet, à rétablir le pouvoir laïque et à faire fleurir la prospérité et la paix dans le pays. Mais le troisième grand-lama de Galugpa, Sodnam-Gyamtso, ayant appelé à son secours en 1576 Tengri-To, prince de Koukou-nor en Mongolie, les princes laïques du Thibet furent vaincus, et le pouvoir temporel établi dans le personne du grand-lama de Galugpa, qui se trouva dès lors commander en souverain maître les deux plus importantes provinces du Thibet, celle d’Amdo et celle d’Oui. Nul obstacle ne s’opposa plus à l’extension de la secte de Galugpa, qui s’accrut d’autant plus rapidement qu’elle était favorisée par le gouvernement chinois. C’est ainsi que, sous la pression de l’ambassadeur de Chine à Lhassa, bon nombre de couvens bouddhistes du Thibet et de la Mongolie durent se rallier à la secte de Galugpa et que, sous le quatrième grand-lama de la secte, fut nommé un ministre spécial qui eut mission de surveiller tous les fonctionnaires civils du pays. Enfin, sous le cinquième grand-lama de Galugpa s’accomplit la révolution qui étendit à presque tout le Thibet l’autorité politique de ce prince.

Ce cinquième grand-lama, Nagwan Lozan, ambitieux et avisé politique, avait commencé, pour se débarrasser complètement des princes laïques qui manifestaient encore des velléités de résistance, par appeler à son aide le successeur de Tengri-To, Gusri, prince de Mongolie. Celui-ci envahit en 1640 le Thibet, réduisit à merci les princes laïques et, par un acte solennel, consacra la suprématie politique de Nagwan Lozan en lui conférant le titre de Dalaï[1]. Les Tartares mandchous ayant, quelque temps après, détrôné la dynastie nationale des Mings, Nagwan Lozan se rangea du côté des vainqueurs et fit reconnaître par

  1. Océan, c’est-à-dire universel.