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en même temps que leur subordination à l’égard du gouvernement chinois. En même temps elle attisait les sentimens d’indépendance des princes thibétains voisins de leur frontière, les excitait à la révolte contre le dalaï-lama et les rattachait à son autorité directe. C’est ainsi qu’en 1887, la diplomatie chinoise prenait fait et cause pour les gens du pays des Horkanysar contre le gouvernement de Lhassa, qu’en 1890, la province du Ményag à son tour se révoltait, à l’instigation des Chinois, et chassait les fonctionnaires thibétains, qu’en 1894, les gens du pays de Sourmang, toujours sous la même pression, se refusaient à payer l’impôt à Lhassa. Aujourd’hui tous ces pays sont sous l’autorité directe de la Chine et un préfet chinois est installé au Ményag. Ce n’est donc plus sur le Grand-Thibet tout entier, tel qu’on se le figure ordinairement, que va s’étendre l’influence anglaise, mais sur un Grand-Thibet limité et réduit par les démembremens successifs que vient de lui faire subir la Chine et borné aux seuls territoires soumis actuellement au dalaï-lama. Les anciennes provinces thibétaines que vient de s’annexer la Chine sont toutes situées à l’orient du Thibet et forment une longue bande de territoire continue. Elles constituent donc dès maintenant une sorte d’Etat-tampon que le gouvernement de Pékin, fort avisé en la circonstance, a su élever entre la partie comprise désormais dans la sphère d’influence anglaise et les provinces propres de la Chine.

Pour tout dire, l’état de choses nouveau inauguré au Thibet par le traité anglo-thibétain du 7 septembre 1904 et le décret du gouvernement chinois du 15 septembre suivant se traduit par l’établissement du protectorat anglais à côté du maintien de la suzeraineté chinoise sur le Grand-Thibet, exception faite des territoires thibétains annexés en ces dernières années par la Chine, et par la remise du pouvoir temporel au Thibet entre les mêmes mains qui détenaient déjà le pouvoir spirituel. C’est à la fois une sorte de condominium anglo-chinois sur le Thibet et une révolution religieuse autant que politique accomplie au sein de l’église jaune bouddhique, autrement dit de la grande secte de Galugpa. L’un et l’autre événement peuvent être gros de conséquences pour l’avenir. Quel effet fera sur la nation thibétaine et sur les masses bouddhistes de l’Asie Centrale cette révolution ? Sera-ce le point de départ, au sein du bouddhisme, d’une ère nouvelle ? C’est ce qu’il n’est permis à personne de prévoir. Sans