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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/777

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Et cependant, au grand scandale de ceux qui Jugeaient nécessaire pour le salut de la République le maintien du pouvoir révolutionnaire, la proposition Carlod fut adoptée. Il était trois heures et demie du matin.


VI

Tout pouvoir excite la jalousie et les convoitises de ceux qui, se croyant aptes à l’exercer, considèrent comme une injustice d’en être exclus ; et l’état démocratique plus qu’aucun autre est exposé à subir l’assaut des évincés parce que plus grand est le nombre de ceux qui peuvent prétendre y figurer en un bon rang.

La composition restreinte du Comité de Salut public était loin d’avoir donné satisfaction à toutes les ambitions couvées par la démocratie lyonnaise. Parmi les mécontens se faisait remarquer Albert Richard, jeune ouvrier intelligent, doué d’un certain talent de parler et d’écrire, qui avait pris, durant les dernières années de l’Empire, une part importante à l’organisation, à la propagande et au recrutement de l’Internationale à Lyon.

Albert Richard s’était présenté dès le premier jour à l’Hôtel de Ville, et, se réclamant de son influence sur les sections de l’Internationale, il avait d’abord obtenu que son nom fût ajouté à ceux des membres du Comité de Salut public ; mais, tenu en suspicion par un grand nombre de ses nouveaux collègues, qui, malgré la décision d’un jury d’honneur, lui attribuaient des relations intéressées avec le parti bonapartiste, il avait été presque aussitôt rayé en exécution d’un vote émis en assemblée générale.

Il prit sa revanche dans une nombreuse réunion populaire, tenue le 8 septembre, salle de la Rotonde, en y faisant nommer dix commissaires qui devaient être « les intermédiaires du peuple lyonnais auprès du Comité de Salut public, » avec une mission de surveillance et de collaboration mal déterminée. Trois de ces commissaires étaient désignés pour se rendre à Paris, stimuler le zélé du gouvernement de la Défense nationale et lui exposer les vœux du peuple lyonnais. Les derniers feux d’une popularité en train de s’éteindre m’avaient valu l’honneur de faire partie de cette délégation avec Albert Richard et le professeur de mathématiques Jaclard, plus tard adjoint de Clemenceau à la mairie du XVIIIe arrondissement.