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aux victoires japonaises en Mandchourie parce qu’elles y assurent la franchise du commerce, de mettre en mouvement toute la diplomatie pour exiger que les articles américains ne soient pas chassés du marché chinois, et, en même temps, de fermer impitoyablement ses ports à tout immigrant à peau jaune. Lorsqu’on exige la « porte ouverte » chez les autres, il est logique de ne pas la fermer chez soi. Les Yankees auront bien d’autres surprises, soit aux Philippines, soit sur leur propre territoire. La concurrence du travail jaune, qu’ils ont toujours redoutée, commence seulement à devenir vraiment menaçante pour eux.


IV

Nous pouvons maintenant répondre à la question que nous nous posions au début de cet article : c’est bien sous la forme d’une « japonisation » que s’accomplit la transformation de la Chine. Cette pénétration économique et cette hégémonie morale des Japonais aboutiront-elles, sous une forme plus ou moins déguisée, à une domination politique ? Il est difficile de le prévoir, et peut-être les circonstances en décideront-elles autant que la volonté des hommes ; il est cependant permis de dire que ce n’est pas là, aujourd’hui, une éventualité improbable. L’action de la diplomatie japonaise et des innombrables agens, chinois ou japonais, qui travaillent à établir un nouvel ordre de choses, est aujourd’hui prépondérante sur la plupart des vice-rois ; plusieurs princes de la famille impériale adhèrent ouvertement à la politique réformatrice ; le prince Tchouen, frère de l’Empereur, le fils du prince King, le prince Sou qui a envoyé ses fils au Japon et à Singapour, ce prince Coung dont on parle comme du futur héritier de l’Empereur, se montrent ouvertement favorables aux idées nouvelles. A Pékin, les chaises des hauts mandarins ne s’arrêtent nulle part plus souvent qu’à la porte de la légation du Japon ; les consuls japonais deviennent les conseillers les plus écoutés des gouverneurs ; ils savent prendre habilement un rôle de protecteurs amicaux et d’initiateurs désintéressés ; partout ils répandent l’idée que les affaires de la race jaune ne regardent que les Jaunes : ils sont les champions de l’indépendance des peuples jaunes aussi bien dans le domaine politique que dans le domaine économique. Souvent, au cours de son histoire, la Chine a été gouvernée par des