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obstacles, appuyée sur votre seul amour et triomphant enfin dans mes bras de toutes les résistances qu’on peut nous réserver. Dites ! faut-il vous voir à jamais ainsi ? ou ne plus vous voir désormais que comme une apparition funeste que le ciel me réservait après tant de malheurs, pour me rendre l’amour et l’espérance et me les arracher à jamais ? Oui, j’ai parlé de vous à ma sœur, elle vous aime, elle ira souvent vous voir, elle cultivera Mme de la Pierre si vous voulez, mais elle ne vous parlera de rien, et d’ailleurs Cl… serait aussi là pour vous observer ! Adieu, je ne puis plus écrire, c’est peut-être un dernier adieu ! Le mot que j’attends de vous me le dira. Je pars demain. Adieu ! Adieu ! Oh ! dites-moi que vous m’aimez encore, que vous m’aimerez toujours et que le jour viendra où nous pourrons le répéter sans cesse. Adieu.


Que ce style surchargé de figures et débordant de mouvemens trahisse un homme qui a fait ses classes dans Marmontel, — comme la phrase d’Elvire se sentait de la période de Rousseau, — c’est l’inévitable marque du moment et c’est ce qui date ces correspondances. Mais d’ailleurs cette violence et cette solennité, ce courroux, ces reproches, ces exclamations, ces interrogations, ces objurgations, cette exagération oratoire, qui tantôt transformait la bonne Mlle Birch en une femme fatale, et tantôt imaginait que cette honnête jeune fille pourrait bien tomber dans l’abjection, toute cette rhétorique dut paraître délicieuse à celle qui en savourait la sincérité. Elle avait un moyen de calmer cette tempête. Elle ne manqua pas d’en user. Lamartine, le même jour où sa tendresse irritée avait connu de si vives angoisses, recevait quelques lignes qui apparemment dans leur brièveté valaient toute son épître.


Vendredi soir.

Je viens de recevoir ce divin billet ! Je n’en attendais presque plus. Je voulais partir, je ne voulais plus revoir cette maison où mon bonheur aurait commencé et fini, je pars encore, mais seulement dimanche et le plus heureux des hommes ! rien ne pourra désormais ébranler ma confiance dans votre amour et dans cette foi que vous m’avez de nouveau donnée ! Je pars pour parler plus vivement à mes parens, pour les presser de demander mon bonheur à madame votre mère…

Soyez sûre que malgré tout nous réussirons tous seuls avec un peu plus de temps et de peine. Croyez-en à ma parole ! Mon défaut n’est pas de voir l’avenir trop en beau, mais je sens une voix invincible qui m’assure que tôt ou tard nous arriverons au but de nos désirs. Je ne vous demande pour cela qu’une fermeté inébranlable contre les résistances ou les séductions de tous genres qu’on pourra employer. Et cette constance vous me l’avez promise. Ah ! la tendresse de toute mon âme et le bonheur que nous puiserons dans le sein l’un de l’autre vous la payeront un jour. Nous habiterons où