Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/857

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un prince de sa maison, en résignant son droit de succession au trône suédois, soit autorisé à accepter l’élection comme roi de Norvège. » À quoi la Chambre s’empresse d’ajouter, selon les formules les plus protocolaires, « l’expression de ses sentimens de respect et de dévouement. » On n’envoie pas plus galamment promener un roi ; on ne dénonce pas plus élégamment un traité. Si l’union de la Suède et de la Norvège a pu être brisée d’une chiquenaude, c’est que depuis longtemps, presque depuis toujours, elle était fêlée, et qu’elle n’avait jamais tenu. L’histoire de la dernière crise, celle des dissentimens qui l’ont précédée, les textes mêmes sur lesquels l’union reposait et les institutions par lesquelles on s’était flatté de la réaliser, méritent au moins une analyse sommaire.

I

C’est le 7 juin 1905, il y a un peu plus de deux mois, qu’avec « l’expression de ses sentimens de respect et de dévouement, » le Storthing fit tenir au Roi une adresse dont les complimens n’étaient que l’enveloppe, mais dont voici, en deux phrases, la substance : « Tous les membres du ministère s’étant aujourd’hui démis de leurs fonctions et le Roi ayant déclaré officiellement qu’il ne peut pas procurer au pays un nouveau gouvernement, le pouvoir royal de la Norvège a cessé de fonctionner… En sa qualité de représentant de la nation, le Storthing vient de charger les ministres démissionnaires d’exercer provisoirement, à titre de gouvernement norvégien, le pouvoir conféré au Roi dans la constitution et dans les lois, avec les modifications rendues nécessaires par la dissolution de l’union avec la Suède, du fait que le Roi a cessé d’exercer ses fonctions de roi norvégien. » En même temps, il lançait une proclamation au peuple, et, comme si sa lettre n’était point assez claire, il sollicitait d’Oscar II une audience pour lui exposer ses raisons. Le Roi, justement irrité, répondit à M. Berner, président du Storthing (dépêche télégraphique) : « Ne reconnaissant pas les mesures révolutionnaires prises par le Storthing en violation de la Constitution et des lois du royaume et en rébellion contre le Roi, je refuse de recevoir la délégation de cette assemblée. » Sur ce, tout aussitôt, sa dignité satisfaite, — tant il est vrai que ces rois du Nord ont, comme les chroniqueurs nous l’assurent, la majesté très paternelle ! — Oscar II,