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« C’est pour la cause du Nord que le Storthing adresse cet appel au peuple suédois, qui, par sa magnanimité, ses sentimens chevaleresques, a conquis une place si grande parmi les nations et avec lequel le peuple norvégien désire de tout son cœur le maintien des bonnes relations. »

Mais la Suède n’entend pas de cette oreille-là. Ou elle entend mal cette musique-là. Ni le Roi, ni le Parlement, ni la presse, ni le peuple suédois, n’y sont pris. On se résigne « à ce qui est arrivé et qui devait inévitablement arriver » en Norvège ; mais que la Norvège ne demande pas plus que de la résignation, et une résignation à la fois attristée et colère.

En arrêtant, au Conseil des ministres, le projet présenté au Riksdag le 21 juin, à l’effet d’être autorisé à entrer en pourparlers avec le Storthing norvégien et de négocier un règlement conditionnel des affaires, en cas de séparation, le Roi n’a pu s’empêcher d’avouer : « C’est un pas pénible que le Conseil d’État m’engage à faire. Ma conscience me dit que j’ai, durant mon long règne, tendu vers le but qu’à mon avènement je me suis proposé, le bien des peuples frères. Il m’est vraiment pénible de contribuer à la dissolution d’une union dans laquelle j’ai cru voir l’indépendance, la sécurité et le bonheur des royaumes unis. Si pourtant je suis prêt à agir ainsi, c’est pour éviter un mal encore pire et dans la conviction qu’une union sans accord mutuel ne procurerait à la Suède aucun avantage réel. » — « Le vieux souverain est profondément blessé, note M. Bjœrnstjerne-Bjœrnson. Il s’est exprimé en termes violens sur ce qui s’est passé. »

Le Parlement, dont le président de la seconde Chambre, M. Swartling, s’est fait l’interprète, n’a pas caché son indignation : « Le peuple suédois a été douloureusement surpris d’apprendre la dissolution de l’union qui faisait naguère le bonheur des deux nations. Cette violation du droit lui a fait au cœur une blessure profonde. La nation saura, aux jours d’épreuve, se grouper autour du roi Oscar, qui a fait, comme roi de l’Union, son devoir jusqu’au bout. »

Quant à la presse, un court extrait du Svenska Dagbladet, de Stockholm, permettra de juger de la vivacité de ses sentimens, — le mot juste serait: de ses ressentimens. « Notre attitude pacifique, dit ce journal, pourrait facilement faire naître dans l’esprit des usurpateurs norvégiens un malentendu au sujet de la faculté