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des Jarls norvégiens, danois ou suédois, sous les Empires et les Empereurs ? Tout cela finira-t-il, comme cela a commencé, pacifiquement ? Ou la « Conciliation internationale » devra-t-elle aller faire ses offres de services dans ces pays dont elle promenait triomphalement les parlemens et où elle se flattait d’avoir recruté tant d’adeptes ?

Nous ne le savons pas, et nul ne le sait. Mais la leçon que le philosophe peut dès à présent tirer de là, — puisque toute chose contient une leçon et qu’il ne faut en perdre aucune, — c’est que, personnelles ou réelles, quelque distinction qu’on y fasse et à quelque « puissance » qu’on les porte, les unions d’États sont bien difficiles à réaliser. Elles vivent dans les larmes, après être nées et souvent avant de mourir dans le sang. — Sans métaphore, elles se forment péniblement, durent peu, ne peuvent rien, ne marchent pas bien, finissent mal. La monarchie austro-hongroise, où l’on a résolu, autrement qu’en Suède et Norvège, le problème de l’union (l’empereur d’Autriche, roi de Hongrie ; un ministre commun des Affaires étrangères, unique pour toute la monarchie, deux ministres communs de la Guerre et des Finances, avec des ministères particuliers pour l’Autriche et pour la Hongrie ; deux délégations, l’une autrichienne, l’autre hongroise, pour traiter des affaires communes), l’union austro-hongroise n’est point dans un état de santé merveilleux. L’union suédo-norvégienne était si malade qu’elle en est morte. Une confédération, soit : la souveraineté y est partagée inégalement entre la confédération et les États particuliers ; un État fédératif, soit : la souveraineté y est partagée plus inégalement encore, et l’État fédératif y tend à absorber, comme dans l’État parfait, celle des États particuliers ; mais une union où la souveraineté soit partagée également, — où les parties soient aussi fortes l’une que l’autre et chacune d’elles aussi grande que le tout, — si la politique est une géométrie, c’en est, pourrait-on dire, « la quadrature du cercle. »

Charles Benoist.