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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/908

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Nous allons, par les chemins d’herbe battue, vers un premier pavillon de malades. Le plan architectural est assez bizarre : l’exposition l’aura sans doute exigé. D’un point central du vaste terrain partent de longues ailes d’où se détachent, obliques et parallèles, d’autres ailes plus courtes, formant pavillons et contenant les salles : une au rez-de-chaussée, une au premier. Pas de second étage. Une chambre d’isolement auprès de chaque salle est destinée aux cas de délire à surveiller.

Dans les grandes pièces éclairées par des fenêtres bilatérales, la plupart des lits sont vides aujourd’hui, quatre ou cinq malades seulement dans chacune. Femmes, jeunes filles, enfans tout petits dont les menottes sont emmaillotées pour éviter l’effort des petits doigts sur les pauvres faces défigurées. Le docteur gémit de cette faiblesse de la loi qui rend les pauvres innocens victimes de la « conscience » de leurs parens. Et c’est bien la vraie variole noire dans son horreur, avec les pustules caractéristiques et l’abattement, presque le désespoir, qui est un des signes de la maladie même. Il y a eu 1 600 cas en un seul jour lors de la dernière épidémie[1], et c’est ensuite qu’a été construit Joyce Green Hospital qui peut recevoir 800 malades. Jusqu’à son inauguration l’année dernière, les varioleux étaient transportés par eau et soignés sur les bateaux-hôpitaux de la Tamise, au point nommé « Long Reach, » dans ce même voisinage. Mais la recrudescence épidémique a démontré l’imperfection, — en tous cas l’insuffisance, — du système, et l’on n’en a conservé que le mode de transport, qui s’effectue toujours par eau de Londres à Dartford. Tout le terrain qui s’étend sur plusieurs kilomètres, de la Tamise aux nouvelles constructions, appartient au M. A. B. et un tramway spécial relie les bateaux de Long Reach à Joyce Green Hospital. Proche encore, le cimetière réservé aux décès par petite vérole. Cet hôpital est un organisme complet et c’est sa supériorité, c’est aussi ce qui en a fait accepter le voisinage aux gens du pays. Ils savent que les précautions sont rigoureuses et que l’on s’y conforme en conscience.

Après la visite des salles, nous passons aux services généraux : cuisines à gaz et à vapeur, lingerie et vestiaire confiés à des ouvrières résidentes, buanderie mécanique complète avec les barboteuses, séchoirs et calendreurs les plus perfectionnés. Il est

  1. Voir les statistiques dressées par le M. A. B.