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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/921

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hommes, ils ont pu contribuer modestement à la tâche commune ; peut-être, qui sait, ouvrir parfois des yeux jusqu’alors fermés, et, je ne dirai point, comme vous, monsieur, confondre des mensonges, mais rectifier les erreurs et les préventions des anti-pacifiques de bonne foi.

Je termine par l’expression de ce vœu et de cette espérance ; et je vous demande, monsieur, non pas, encore une fois, d’accorder à la défense une partie de la place que vous avez donnée à l’attaque, mais d’accueillir cette défense dans les sentimens de sincère et de bienveillante impartialité avec lesquels j’ai l’honneur de vous présenter, monsieur, mes salutations les plus distinguées.

FREDERIC PASSY.


II
LETTRE DE M. D’ESTOURNELLES DE CONSTANT

A MONSIEUR BRUNETIERE, Directeur de la Revue des Deux Mondes.


MONSIEUR LE DIRECTEUR,

Vous m’obligez à me défendre ; je me défends. Qui dit « pacifique » dit « lâche, » croyez-vous ; c’est une erreur. Il faut plus de courage pour remonter le courant des préjugés et des passions chauvines que pour le suivre ; j’estime beaucoup plus les soi-disant « lâches » qui protestaient avec M. Thiers, le 15 juillet 1870, contre les dissimulations préparatoires de la guerre que les soi-disant « braves » qui les empêchaient de parler, les accusant, eux aussi, de vouloir la paix à tout prix, criant : « A Berlin ! à Berlin ! », trompant la France, comme l’Allemagne était trompée, comme les peuples ont toujours été trompés quand leurs gouvernemens ont entrepris de les jeter les uns sur les autres.

Je me défendrai toutefois sur un ton différent du vôtre. Le mot « mensonge » fait partie du vocabulaire de vos théories et je ne l’emploie pas à la légère ; c’est une provocation bénévole que j’aurais relevée jadis et que je dédaigne aujourd’hui. Les bons argumens valent mieux que les gros mots. Il ne me vient pas à l’idée de suspecter votre bonne foi ; pourquoi contestez-vous la mienne que vous connaissez cependant depuis notre jeunesse ? J’avais trop présumé, paraît-il, de votre impartialité, puisque je vous priais de recommander aux lecteurs