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de l’artillerie. Là le général Peigné, dont nous ne contestons pas la compétence en matière de balistique, — ce sont seulement les forces morales qui lui sont étrangères, — n’aura pas un commandement direct sur des officiers et sur des soldats. Enfin le gouvernement, dans son désir de faire passer le général Peigné, a pratiqué le système des compensations : en même temps qu’il remettait en activité l’officier qui tenait jusqu’ici le record de la délation, il y en a remis deux autres, condamnés pour des incorrections de droit commun. Deux contre un, semble-t-on nous dire, et vous n’êtes pas satisfaits ! Nous ne le sommes pas, en effet. Qu’on nous présente des cas entre lesquels il est possible d’établir une analogie même lointaine, soit ! nous mettrons de la bonne volonté à combler l’intervalle ; mais ici, tout rapprochement est impossible : il est fâcheux que M. Berteaux ne l’ait pas compris. Il y a d’ailleurs tant d’autres choses qu’il ne comprend pas ! Ne l’a-t-on pas vu présider l’autre jour une réunion de radicaux de Seine-et-Oise dans laquelle a été posée, pour les élections prochaines, la candidature de M. Thalamas ? Toute l’illustration de ce professeur d’histoire lui vient, on le sait, d’avoir parlé de Jeanne d’Arc en termes inconvenans. Jeanne d’Arc aujourd’hui est suspecte de cléricalisme, de chauvinisme, peut-être même de militarisme : cela suffit pour que l’offense qu’on lui adresse soit, dans certains milieux, une recommandation électorale. Il n’y a, sans doute, aucun moyen d’empêcher une pareille manifestation d’opinion ; mais qu’un ministre de la Guerre y participe par sa présence et s’y associe par son silence, c’est contre quoi on ne saurait trop protester. Cette protestation aurait été opportune en tout temps ; elle l’est encore plus aujourd’hui. L’adhésion à la candidature de M. Thalamas et la réintégration du général Peigné sont deux actes qui découlent de la même source : est-ce au ministre de la Guerre, à une heure où notre patriotisme est si légitimement inquiet, qu’il est permis de s’y livrer ? Nous reconnaissons, pour être tout à fait juste, qu’au moment où le cabinet actuel s’est constitué, M. Berteaux a déclaré que la mesure qu’il venait de prendre contre le général Peigné était provisoire ; mais il s’est passé depuis bien des choses, dont quelques-unes sont d’hier, et qui font de la réintégration immédiate de cet officier un scandale. Pourquoi M. Berteaux n’a-t-il pas attendu davantage ? Peut-être ne le pouvait-il pas ? Peut-être n’est-il pas son maître ? Peut-être est-il obligé d’obéir à des ordres qui ne lui viennent pas directement de M. le président du Conseil ? La franc-maçonnerie, après avoir été pendant quelques jours atterrée de la divulgation des fiches, a repris peu