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un peu d’autorité ; mais d’autres l’ont prise au sérieux, et elle n’a été traitée de prime abord nulle part avec le dédain qu’elle méritait. La Baltique est une mer ouverte ; sa liberté a même été consacrée par un certain nombre de traités formels ; la fermer serait un acte de guerre et serait incontestablement relevé comme tel par les puissances qui y ont des intérêts. Ce sont là des choses évidentes en soi : néanmoins des torrens d’encre ont été versés sur le papier pour discuter aux points de vue les plus divers une question aussi simple, et il est probable que la controverse durerait encore si le gouvernement allemand n’avait pas jugé opportun d’y mettre fin, tu moins pour le moment, par la note dont nous avons parlé. Un état d’esprit comme celui du Reichsbote n’en reste pas moins très curieux. Peut-être l’inquiétude de ce journal n’a-t-elle été partagée au premier moment par un aussi grand nombre de personnes qu’à cause des obscurités qui planent en ce moment sur les mers septentrionales, obscurités que n’a point dissipées, on peut le croire, la visite nocturne faite à Bjœrko par l’empereur Guillaume à l’empereur Nicolas. L’incertitude subsiste sur l’objet de cette rencontre aux allures romantiques. Si on savait ce qui s’est dit entre les deux souverains, peut-être trouverait-on qu’il y a eu là plus de mise en scène que de véritable intérêt ; mais, comme personne n’en sait rien, les esprits se donnent carrière, inventent des hypothèses, opèrent des rapprochemens plus ou moins forcés entre des faits qui n’ont sans doute aucun rapport les uns avec les autres, et emploient à cela une ingéniosité aussi grande que vaine. Il a suffi que l’empereur Guillaume soit allé visiter tous les souverains du Nord, ou qu’il ait reçu leur visite, pour que les imaginations se soient mises en branle, et le Nord étant le pays des brouillards, on a cru y apercevoir de grands fantômes. Y a-t-il en tout cela quelque chose de vraiment grave ? L’histoire, peut-être, le saura et le dira un jour.

Ce qui prête à toutes les inventions, c’est que l’empereur allemand a montré depuis quelques mois une telle activité qu’on se demande si la question marocaine l’a absorbée tout entière. L’Empereur a modifié sa politique à notre égard : pourquoi ne l’aurait-il pas fait, ou ne le ferait-il pas à l’égard d’autres puissances ? Dans une situation troublée, les moindres incidens peuvent prendre une importance soudaine et inattendue, et la situation des pays septentrionaux n’est pas en ce moment tout à fait normale. Nous serions amenés sans doute à entrer à ce sujet dans des considérations plus étendues, si ce même numéro de la Revue ne contenait pas un remarquable article