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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/149

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zélés, ce patronage est devenu presque exclusivement un bureau de placement. Or il est, ici encore, aisé de prévoir la direction que ses opérations vont recevoir. Useront de plus en plus du placement ceux qui en voudront sincèrement : les autres sauront bien se soustraire à toute surveillance, jusqu’à ce qu’ils contraignent la police à leur octroyer la sienne. De toutes parts nous sommes ramenés aux mêmes conclusions : ceux qui pratiquent l’assistance ont au cœur le noble désir de diminuer certaines inégalités ; mais beaucoup de ceux auxquels est destinée l’assistance accroissent encore plus ces inégalités par le mauvais usage ou le refus de l’aide qu’on met à leur disposition : alors, pour ces derniers, il faut bien en venir à la répression.

On comprendrait dans une certaine mesure que les âmes sensibles hésitassent, si la répression devait compromettre l’assistance, au lieu de lui préparer la voie. Nous avons déjà recueilli plus d’une raison de penser le contraire, et des témoignages mêmes de l’étranger viennent nous confirmer dans notre manière de voir. A la conférence des directeurs de colonies de travail réunis à Kastorf du 19 au 21 juin 1902[1], il a été bien expliqué que beaucoup d’hommes ayant subi des condamnations ordinaires se présentaient à la maison hospitalière. Fallait-il les éliminer pour ne garder que les travailleurs indemnes ? Non, a-t-il été répondu, car ceux-là sont très souvent les travailleurs dont le séjour est le moins onéreux. « La discipline de la maison d’arrêt les a matés, ce sont généralement les plus soumis entre les colons. » On a observé aussi que pour les autres, pour ceux qui se présentent sans avoir passé par la prison, le séjour prolongé était une condition essentielle de succès. Or, qu’est-ce donc qu’un internement prolongé ? Comment le différencier sérieusement de ce qui fait le fond de la répression ? Ce que les Allemands ont observé là chez eux, ne se remarquerait peut-être pas en France au même degré, je le sais, car nos vagabonds préfèrent la prison à la maison de travail. C’est que la discipline de notre prison, il ne faut pas craindre de le dire, n’est plus assez répressive. C’est surtout que l’emprisonnement en commun ne développe chez les condamnés que les pires sentimens et les pires instincts. L’énervement de la répression, voilà ce qui nuit le plus à l’efficacité du patronage dont elle devrait

  1. Ce témoignage nous est fourni par M. Louis Rivière.