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repousser cette collaboration dont ils ne croient pas pouvoir se passer[1].

Ces hommes de bien qui s’obstinent à défendre leur patrimoine moral sont cependant ceux qui ont le mieux su non seulement imaginer, mais réaliser les innovations les plus vraiment libérales et les plus vraiment humaines, prouvant ainsi une fois de plus qu’évolution et tradition ne doivent pas se séparer. Est-ce que les réformateurs les plus utiles de nos codes ne sortent pas de leurs rangs ? Est-ce que les auteurs de la loi de sursis, est-ce que les fondateurs des patronages ne sont pas ceux qui ont approuvé le plus et qui défendent le mieux, soit la loi de 1850 sur l’éducation correctionnelle aujourd’hui violée, soit la loi de 1875 sur l’emprisonnement individuel, toujours inexécutée ? Pourquoi faut-il que les esprits les plus désireux d’aller utilement de l’avant, mais en profitant de l’expérience acquise, soient obligés de s’épuiser pour démontrer à nouveau l’évidence devant ceux qui se font une si triste gloire de la méconnaître à nos dépens ?


HENRI JOLY.

  1. Ainsi l’Asile de Saint-Léonard, fondé par l’abbé Villon, s’est vu retirer la subvention du département du Rhône. L’abbé Villon venait cependant d’être décoré, en souvenir de ses services et notamment de la part qu’il avait prise à la guerre de 1870 en conduisant lui-même au feu ses libérés encore valides. Ainsi, M. l’intendant général Roux de Montlebert, qui vient de mourir, a eu le chagrin de constater qu’il ne recevait plus du Ministère de l’Intérieur la toute petite subvention qu’on servait à son œuvre des petites mendiantes, fondée par lui, gouvernée par lui, avec l’aide, il est vrai, de sœurs franciscaines. Ainsi, en rendant compte des travaux de la Société de patronage et d’assistance par le travail dont il est le président, un de nos plus distingués criminalistes, M. Georges Vidal, professeur à l’Université de Toulouse, était-il amené l’année dernière à dire à l’assemblée qui l’écoutait : « Au moment où le jury de la classe 112 de l’Exposition universelle venait de proclamer notre importance et nos mérites, le Conseil général nous a retiré les moyens de continuer l’œuvre nouvellement entreprise (la création d’un second asile) en réduisant, sans que nous puissions en découvrir de bonnes raisons, au chiffre insuffisant de 600 francs (au lieu de 3 500) la subvention que la commission des finances a même songé un instant à supprimer tout à fait… Cette décision nous a forcés à fermer notre second asile où nous avions recueilli 149 pensionnaires en 1900, 260 en 1901… » Ce sont là des exemples pris entre bien d’autres !