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de la fiancée et par son rang de représentant du souverain dans la province. Il signa et chercha à passer la plume à la main du comte de Maistre. Le comte que nous venions de voir dans le salon, tout couvert de son habit de cour et de ses décorations diplomatiques, avait disparu… On fut obligé de laisser en blanc la place de sa signature ; mais, une fois le contrat signé, il reparut… Nous lui demandâmes confidentiellement la raison de cette disparition qui avait contristé un moment la scène. « C’est, dit-il, qu’en qualité d’ambassadeur du Roi et de ministre d’Etat, je ne voulais pas signer mon nom au-dessous du nom d’un gouverneur de Savoie. Demain j’irai signer seul et à la place qui convient à ma dignité. » — L’anecdote serait curieuse, sans doute. Mais voici ce qui la rend tout à fait intéressante : Joseph de Maistre, que Lamartine a « vu » dans le salon « tout couvert de son habit de cour et de ses décorations diplomatiques » n’assistait pas à la cérémonie. Le comte de Maistre qui a signé au contrat n’est pas « l’illustre » comte de Maistre ; c’est son fils[1]. Rien ne montre mieux comment Lamartine « se souvenait. »

Au contraire de ce qui s’était passé pour le contrat, la cérémonie du mariage religieux se fit en grand secret ; elle avait donné lieu à des négociations délicates, à cause de la différence de religion des deux familles. On a cru même que la cérémonie catholique avait été célébrée à l’insu de Mme Birch. C’est une erreur : Mme Birch exigea seulement que le mariage eût lieu dans la chapelle du gouverneur, comme on le voit Dar cette lettre que lui adressa Lamartine[2] :


Madame,

J’avais selon vos désirs parlé au gouverneur hier matin ; il avait accepté volontiers, mais il m’avait recommandé de demander avant les ordres de l’abbé d’Étiolaz ; l’abbé d’Étiolaz m’a dit qu’il fallait nous marier à la paroisse de Maché, pour éviter toute irrégularité apparente dans un acte pareil. Il serait trop long de vous rapporter ses motifs ; je les ai combattus, mais il a insisté ; en conséquence, j’ai prévenu le soir Mme la Gouvernante que nous ne pourrions pas profiter de ses bontés. Ce matin, j’ai été prendre les arrangemens pour mardi avec le curé de Maché ; cela se fera à six heures du matin, les portes de l’église étant fermées ; on ne sonnera pas la messe, on ne laissera entrer que nous et nos témoins ; nous entrerons par la maison

  1. Voir F. Mugnier : le Mariage d’Alphonse de Lamartine. (Mémoires publiés par la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie. Tome XIII, Chambéry, 1884.)
  2. « A Mme Birch, à Caramagne. »