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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/225

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Ce premier désastre était significatif. Il annonçait aux envahisseurs l’effroyable consommation de vies européennes qu’allait faire pendant quatre siècles le minotaure des tropiques, sous ses noms divers, de typhus amaril, de vomito negro ou fièvre jaune.

Dans toute cette région côtière du golfe du Mexique, à l’embouchure et le long des rives des fleuves, la maladie s’est perpétuée à l’état endémique, manifestant de loin en loin des phases de recrudescence épidémique plus ou moins violentes. De ce centre permanent dit « foyer mexicain » sont parties des irradiations épidémiques nombreuses. Les unes, remontant vers le Nord, ont frappé les lies Bermudes et le littoral atlantique des États-Unis ; d’autres, s’orientant du côté du Sud, ont contaminé les Guyanes et le Brésil ; puis, contournant le continent américain, se sont abattues sur les ports du Pacifique. Les vaisseaux chargés de sucre, venant de Cuba, ont transporté la contagion dans les villes maritimes de l’Europe. Au XVIIIe siècle les bateaux négriers revenant des Antilles ont infesté la côte occidentale d’Afrique.

La plupart de ces épidémies, issues du foyer originel mexicain, se sont éteintes sur place après avoir exercé des ravages désastreux. Mais d’autres fois la fièvre jaune, rencontrant dans les pays nouveaux des conditions favorables à son développement, s’est installée d’une façon permanente à l’état endémique. C’est ce qui est arrivé pour le Brésil et pour la côte d’Afrique.

Ainsi se sont établis deux foyers secondaires devenus, à leur tour, deux nouveaux centres d’irradiations, le « foyer brésilien et le « foyer africain. » Ce dernier, qui date, comme nous l’avons dit, du milieu du XVIIIe siècle, s’est localisé dans le golfe de Guinée entre l’embouchure du Niger et celle du Congo ; c’est particulièrement dans la région de Sierra-Leone que le caractère endémique, permanent, de l’infection amarile s’accuse nettement : c’est de là qu’ont rayonné la plupart des épidémies qui ont ravagé l’Afrique.

Le foyer brésilien est de date plus récente : il s’est établi au milieu du XIXe siècle. C’est en 1849 qu’un navire venant de la Nouvelle-Orléans, le Brasil, apporta la fièvre jaune à Bahia. De cette ville un autre bateau, la Navarre, l’amena à Rio-de-Janeiro où elle trouva toutes les conditions nécessaires à sa naturalisation : un sol bas paludéen, des alluvions fluviales, une chaleur intense et une humidité excessive. La maladie s’installa donc à l’état permanent, endémique ; elle devint une maladie du pays. Enfin, elle rayonna, à partir de ce nouveau centre, vers les contrées de l’intérieur en suivant, comme toujours, le cours des fleuves. Ainsi se produisit l’épidémie qui, en