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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/295

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profession de foi de ses sentimens auxquels il sera attaché toute sa vie ; qu’en conséquence, il ne peut aller à l’armée de Condé. »

Que le Roi eût pardonné une déclaration si formelle, si contraire à la lettre et à l’esprit de ses propres manifestes ; qu’il l’eût pardonnée, alors que, dans son entourage, tant de gens, ennemis irréconciliables de la maison d’Orléans, avaient dû s’attacher à lui en démontrer la coupable insolence, voilà ce dont le jeune prince ne revenait pas. C’est qu’il ignorait que cette déclaration, le Roi ne l’avait jamais connue, grâce au comte d’Avaray. En la recevant, avec une lettre du baron de Roll, le fidèle serviteur de Louis XVIII s’était empressé de la dérober à la connaissance de son maître :

« Je compris aisément, écrit-il dans ses notes inédites, ce que le baron de Roll n’avait pu comprendre, qu’un acte de cette nature, si M. le Duc d’Orléans pouvait croire que le Roi en avait eu connaissance, élèverait entre eux un mur de séparation, soit en inspirant au prince la crainte de ne plus pouvoir rentrer en grâce, soit en rendant le Roi plus difficile à l’accorder. Je cherchai donc le moyen de réparer la sottise que le baron avait faite. Je lui écrivis le 8 juillet qu’il avait eu tort de recevoir un acte aussi contraire à celui qu’il était chargé d’obtenir, que je ne le mettrais point sous les yeux du Roi et que je le lui renverrais par une occasion sûre afin qu’il le renvoyât à M. le Duc d’Orléans ; enfin qu’il fallait absolument qu’il fît connaître ces dispositions à M. le Duc d’Orléans et à M. de Montjoye (aide de camp et homme de confiance du prince). J’ajoutai qu’un jour on me saurait gré de ce que j’osais hasarder. Puis, dans un billet séparé, joint à cette lettre qui était ostensible, je lui expliquais les motifs de ma conduite.

« Le baron trouva que sa dignité serait compromise si M. le Duc d’Orléans savait que son rapport n’avait pas été adressé directement à Sa Majesté. Il m’écrivit, le 9 août, pour me conjurer, et le Roi lui-même, de lui épargner ce désagrément. J’insistai avec plus de force dans une lettre du 16 septembre ; je lui déclarai nettement que le Roi lui ordonnait de faire sans délai la démarche que je lui avais prescrite ; je lui indiquai des raisons pour colorer des retards qu’il se trouverait avoir mis dans l’exécution de cet ordre. Au surplus, voulant diminuer pour lui l’amertume de ce calice, je laissai quelque latitude en exigeant simplement qu’il fît connaître ce qui était convenu dans ma lettre