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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/313

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et gagner l’Allemagne où elle s’embarquerait pour les rejoindre. « J’ose avouer à Votre Majesté, écrivait au Roi, le 13 novembre, le Duc d’Orléans, que je le souhaite plus que je ne l’espère. » Aveu mélancolique, plein de sous-entendus que n’éclaircit pas cette réponse de Louis XVIII :

« Mon cousin, j’ai reçu votre lettre du 13 novembre avec plaisir, parce que j’en aurai toutes les fois que je recevrai des témoignages de vos sentimens et que j’aurai occasion de vous en donner des miens ; mais en même temps, avec peine, parce que j’y vois que tous les efforts de votre piété filiale n’ont pu réussir à faire sortir votre vertueuse mère d’un séjour qui, dans les circonstances actuelles, lui convient si peu. Je souhaite vivement que la faible espérance, qui vous reste encore pour elle, se réalise. Quoi qu’il en soit, n’oubliez pas, en lui écrivant, de lui parler de ma sensibilité à la commission qu’elle vous a donnée pour moi et du tendre et constant intérêt que je lui porte. »

Lorsque le Roi traçait ces lignes, le 18 décembre 1800, dix mois après la soumission de ses cousins, il était, on le voit, convaincu de leur sincérité. Ils allaient d’ailleurs lui en donner à deux ans de là, au mois de mars 1803, une preuve nouvelle. Chassé de Mitau et réfugié à Varsovie, Louis XVIII y avait été l’objet, par l’entremise du roi de Prusse et de la part de Bonaparte, de propositions aussi blessantes qu’inattendues ayant pour but de le faire renoncer à la couronne. Indigné que le Premier Consul l’eût cru capable d’une telle bassesse, il avait solennellement protesté. Puis se rappelant cette parole du dernier prince de Conti : « La couronne nous appartient à tous ; notre aîné la porte, » il avait demandé aux neuf princes de sa famille alors vivans et aptes à lui succéder de joindre leur protestation à la sienne. En cette circonstance, les princes d’Orléans ne faillirent point à ce qu’ils se devaient à eux-mêmes, à leurs ancêtres et à leurs descendans. Leurs trois signatures figurent au bas de cette protestation dont les auteurs déclarent « renouveler devant Dieu, sur notre épée et entre tes mains de notre Roi, le serment sacré de vivre et de mourir fidèles à l’honneur et à notre souverain légitime. »

Personne n’eût osé prétendre, ce jour-là, que la réconciliation des d’Orléans avec les Bourbons n’était pas définitive. Elle l’était dans leur esprit et dans leur cœur. Aussi, ne saurait-on s’étonner de voir peu après le Duc d’Orléans, dans une circonstance où