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chéri, et la Duchesse d’Orléans se plaît à proclamer que « son enfant a été rendu à lui-même, à sa mère, à sa famille par cette main paternelle et protectrice qui a daigné le préserver des inconvéniens inséparables d’une imagination vive et d’une jeunesse trop ardente ; » ce à quoi le Roi répond qu’il avait besoin que sa chère Justine approuvât ce qu’il a fait.

« Tout semble annoncer le succès des mesures prises, ajoute-t-il ; j’en jouirai pour moi-même et encore plus pour Justine ; mais, je serai bien loin de m’en attribuer l’honneur. Il sera dû à un être à bon droit cher à Justine et dont la tendresse éclairée, la prudente fermeté m’avaient tellement tracé ma route que j’aurais été coupable de m’en écarter. »


III

On peut voir à ces traits qu’au fur et à mesure que, par sa conduite et dans sa correspondance, le Duc d’Orléans s’était révélé à lui, le Roi avait apprécié son caractère, sa valeur morale, les qualités qui le distinguaient, et conçu pour sa personne une estime affectueuse. Cette estime, le prince l’avait conquise sans avoir rien eu à sacrifier de ses vues politiques, des idées libérales consignées dans sa déclaration de 1796. Assurément, ses lettres au Roi, sa soumission, l’expression de la douleur que lui causait « un passé à jamais déplorable, » ses propos au Comte d’Artois pouvaient être interprétés comme un désaveu du passé. Mais, en fait, sur ce passé, il ne s’était pas plus expliqué qu’on ne lui en avait demandé compte, comme s’il eût été à jamais effacé par la démarche qui avait rendu aux trois frères leur place dans la famille royale.

Il semble donc bien qu’en se soumettant, il n’entendait aliéner ni la liberté de sa pensée et de ses jugemens, ni celle de les manifester s’il était mis à même de le faire. Jusqu’en 1808, époque où, afin de gagner les bonnes grâces de la cour de Naples, à laquelle il s’alliera bientôt, par un mariage qui assure son bonheur, il sollicite et accepte un commandement dans l’armée espagnole, ce qui domine visiblement en lui, c’est la volonté de ne pas se donner un démenti à lui-même en portant les armes contre sa patrie. Qu’une insurrection royaliste éclate en France et si l’on peut la considérer comme le prélude d’un mouvement général en faveur de la Restauration, il ne refusera pas d’y