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Cette répudiation d’un héritage iniquement acquis, que pouvait seul opérer le roi légitime n’ayant pas, comme l’usurpateur, besoin de conquêtes pour assurer son pouvoir, était, selon le Duc d’Orléans, bien autrement nécessaire qu’une reconnaissance officielle aussi obstinément refusée qu’elle était obstinément réclamée. « Dans le temps de notre prospérité, on accusait Louis XIV de viser à la monarchie universelle. Aujourd’hui, on accuse le Roi de vouloir tourner à son profit les brigandages des gouvernemens révolutionnaires. Les propos de serviteurs inconsidérés ont donné une consistance fâcheuse à cette accusation. J’ai la certitude que les agens de Buonaparte en ont tiré de grands avantages contre le Roi auprès des puissances étrangères. » Il importait donc avant tout de la détruire par une déclaration franche et formelle à toutes les cours, propre à faire cesser leurs défiances et leurs craintes, à rétablir la cordialité avec elles, à ranimer « le désir secret chez les uns, public chez les autres, mais universel parmi les souverains, de voir Buonaparte rentrer dans le néant d’où il n’aurait jamais dû sortir » et où il ne pouvait être précipité que par de grands revers militaires qui ébranleraient le prestige qu’il exerçait sur ses soldats.

Bons ou mauvais, fondés ou non, les avis et les opinions que le Duc d’Orléans faisait parvenir au Roi par l’intermédiaire de d’Avaray dictaient une marche si différente de celle qu’avaient toujours suivie les émigrés qu’on ne peut qu’être surpris que le Roi ne se soit pas offensé de la netteté avec laquelle son jeune cousin la lui conseillait. On doit constater cependant qu’il ne s’en offensa pas et qu’il lui maintint sa tendre amitié et sa confiance. Il est vrai que le Duc d’Orléans s’efforçait de s’en rendre digne par d’incessans témoignages de respectueux dévouement. A côté de ceux que nous avons déjà signalés, il convient d’en citer un autre auquel Louis XVIII ne pouvait rester insensible, car, ainsi qu’il se plaisait à le dire, c’est par de telles démarches qu’on s’ouvrait le plus aisément l’accès de son cœur. Au mois de janvier 1804, il reçut du Duc d’Orléans, alors installé à Twickenham, une longue lettre dans laquelle il ne put lire sans émotion ce qui suit :

« Que Votre Majesté me permette d’ajouter ici l’expression d’un vœu que je forme depuis bien longtemps et dont j’ai même osé lui faire parvenir l’hommage, il y a plusieurs années, pendant que j’étais à Minorque. C’est pour moi, Sire, un besoin