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circonstances s’étaient modifiées. Le Roi venait de prendre une grande résolution. Le meurtre du duc d’Enghien et la proclamation de l’Empire qui le suivit de si près avaient trouvé Louis XVIII hanté par le désir de provoquer une réunion des princes de sa famille, qui lui procurerait à la fois le bonheur de les revoir et la faculté d’examiner avec eux quelle conduite il convenait de tenir en présence des événemens qui semblaient ajourner à une époque de plus en plus lointaine la restauration des Bourbons. Le roi de Suède Gustave IV s’était prêté à l’exécution de ces projets en offrant un asile à Louis XVIII dans la Poméranie suédoise et en consentant à ce que la réunion projetée se tînt à Calmar, petite ville de ses États. Monsieur et le prince de Condé en étaient avertis, et le Roi désireux, en quittant Varsovie, de se ménager la possibilité d’y revenir, préparait son départ dont il ne voulait prévenir les cours de Saint-Pétersbourg et de Berlin qu’au moment de l’effectuer et sans s’obliger à attendre leur réponse. C’est en ces circonstances que le Duc d’Orléans renouvela sa demande, mais en y associant son frère cadet, le Duc de Montpensier, qui tenait à se joindre à lui. Cette fois le Roi fit droit à la requête du Duc d’Orléans. Répondant le 25 juin à ses lettres, il lui disait :

« Elles m’ont vivement touché, mais croyez que depuis bien longtemps mon cœur ne vous distingue plus de mes autres enfans. Si vous ne m’aviez pas demandé à venir auprès de moi, si depuis près de six mois je n’attendais avec impatience que les obstacles qui s’opposent à l’accomplissement de ce désir aussi juste que réciproque fussent levés, ce serait moi qui vous préviendrais en vous invitant à venir. Je n’entre pas dans de grands détails à ce sujet parce que je charge mon frère de vous les donner.

« Vous ne pouvez douter de la satisfaction que j’éprouverais à faire connaissance avec votre frère cadet, avec mon filleul, et, si les circonstances n’avaient donné à votre voyage auprès de moi tout un autre but que celui qu’il devait d’abord avoir, je n’hésiterais pas à vous dire de l’amener. Mais j’ai dû, comme mon frère vous l’expliquera, soumettre ce point à un conseil de famille à la décision duquel je m’en rapporte. Mais, soit que j’aie, ou non, le plaisir de le voir, j’en aurai beaucoup à vous présenter le comte d’Avaray dont la santé m’a si longtemps donné de cruelles inquiétudes, mais qui, je l’espère au moins, est tout à fait rendu à mon amitié, à ma confiance. Adieu, etc. »